dimanche, mai 01, 2011

Singapour s'enrichit en 2010 et vote vite en 2011

L'architecte Moshe Safdie (Habitat '67) a conçu ce supercasino

Ma première incursion à Singapour remonte à 1975 lorsque j’y ai fait escale pour visiter de la parenté. C’était au moment de la victoire communiste au Vietnam et aussi peu après la chute du Cambodge aux mains des Khmers rouges. J’ai rédigé quelques articles pour le journal La Presse au sujet de la fuite des étrangers tous retenus à l’ambassade de France à Phnom Penh.

Je suis retourné à Singapour une quinzaine d’années plus tard alors que ma fille y travaillait pour le Cirque du Soleil. Puis, en l’an 2000 encore dans un voyage de famille marquant le nouveau millénaire. Bref, tout ce qui se passe à Singapour m’intéresse encore au plus haut point.

Les dernières nouvelles nous provenant de la Cité du Lion? Le moins qu’on puisse dire c’est que l’argent y a coulé à flots en 2010 malgré une certaine pauvreté chez les moins bien nantis. On peut aussi s’attendre à un tournant historique avec la retraite prochaine du père spirituel de la petite république, Lee Kuan Yew.

Taux de croissance record

Après une contraction de la croissance du produit intérieur brut à 1,3% en 2009, la prospérité était à nouveau au rendez-vous en 2010 avec le taux incroyable de 14,7 en 2010, soit le plus fort en Asie et le deuxième au monde (après le Qatar). Un bon coup de pouce dans le vigoureux secteur manufacturier. De fortes exportations aussi.

L’an 2010 a aussi marqué le décès de l’épouse de Lee Kuan Yew, une avocate de 89 ans qui était donc la mère de l’actuel Premier ministre Lee Hsien Loong. Cette femme brillante, Kwa Geok Choo de son vrai nom, était la mama d’une famille dont plusieurs membres occupent des postes clés à Singapour : le système Lee Kuan Yew. Au sein de la première famille de la Cité-État, des observateurs ont remarqué que le patriarche Lee Kuan Yew est paru touché et surtout très affaibli au moment des cérémonies funéraires. Le Père de Singapour pourra-t-il encore longtemps influencer le cours des choses?

Prospérité? La nouvelle n’est pas sensationnelle dans cette ville artificielle qui a voulu faire cavalier (économique) seul par rapport à la Malaisie en 1965,. Peut-être pas de pétrole comme au Qatar, mais maintenant… des casinos. En effet, pendant l’Année du Tigre, deux établissements de jeu ont ouvert leurs portes coup sur coup à la clientèle régionale. Singapour a retardé l’arrivée des tapis verts pendant quatre décennies mais les profits mirobolants du petit Macao ont fait en sorte que les Lee n’en pouvaient plus de tout rater.

Le Marina Bay Sands est la véritable mecque du jeu avec un édifice impressionnant signé du célèbre architecte Moshe Safdie. Trois tours penchées de 57 étages avec une espèce de bateau sur les trois toits. Si Moshe Safdie a été un révolutionnaire avec Habitat ’67 à Montréal, ce casino marque certainement le génie créateur de ce bâtisseur israélien. Les capitaux américains de Las Vegas financent cette entreprise.

L’autre casino relève d’investissements de la Malaisie, le Resorts World Sentosa. Peu importe les architectures, ils ont déjà versé 324 millions $ US en taxes entre avril et novembre 2010. Leurs recettes sont énormes. Les prévisions sont dépassées. En 2011, il se pourrait que Singapour obtienne le 2e chiffre d’affaires en Asie après Macao. Devant la Corée du Sud et l’Australie. Des milliers d’emplois ont été créés. De plus, encore plus significatif, 2010 a vu arriver 20 % de plus de touristes, soit 11,6 millions.

Des trophées enviables

Le chômage a donc figé au taux de 2,1 %. Singapour a en même temps continué à récolter plusieurs trophées internationaux enviables. Le meilleur endroit pour y gérer une entreprise. Le moins entaché de corruption au premier rang avec le Danemark et la Nouvelle-Zélande. L’économie la plus compétitive au même rang que la Suisse et la Suède -- devant les Etats-Unis. Chapeau encore!

Mais toujours selon ma théorie du yin et du yang, pour montrer les deux côtés de la médaille, il faut parler aussi du côté moins rose de ce petit pays de 5 millions de population. Par exemple, un chercheur britannique a été arrêté pour avoir écrit un livre s’attaquant à un sujet tabou : la peine de mort. Pas très futé le monsieur, ou peut-être très brave, Alan Shadrake est parti de son pied à terre en Malaisie pour aller au lancement de son livre dans le pays voisin et la police Singapourienne l’a arrêté. Six semaines de prison (mais pas de bastonnade).

Dans Once a Jolly Hangman, l’auteur de 76 ans dénonce les juges comme étant politisés plutôt qu’impartiaux. Ceux-ci ont répliqué de façon véhémente en criant à l’injure. Dans une de ses entrevues, il parle d’un bourreau qui aurait exécuté mille personnes de 1959 à 2006. Des critiques parlent de Singapour comme d’un «Disneyland avec la peine de mort.» (Autre yin et yang!) Malheureusement, le gouvernement ne publie pas de statistiques sur le nombre d’exécutions, et maintient que ce châtiment explique la faible criminalité dans la Cité du Lion. Probablement pas tout à fait faux.

Les riches et les pauvres

Dans ma recherche, je suis tombé sur une petite phrase de la BBC : « Singapore's government is trying to narrow an income gap the United Nations says is the second-biggest among Asia's developed nations.» Un écart si important entre les riches et les pauvres? Je ne suis pas totalement surpris, mais il faut avouer que problème n’est pas si souvent évoqué. À creuser!

Le Premier ministre Lee Hsien Loong a d’ailleurs promis de s’attaquer au problème de ces inégalités. Le ministre des Finances a annoncé des mesures concrètes dans son budget de 2011 afin d’aider les moins favorisés. L’indice du coût de la vie (transports, habitation et denrées alimentaires) augmente tandis que les salaires figent. Beaucoup de cheap labor est embauché des pays voisins comme l’Inde et la Chine, ce qui a pour effet de maintenir les salaires bas. Relativement à la construction du casino de Las Vegas, la BBC parlait d’une petite armée de 245 000 de travailleurs étrangers assignés à cet immense chantier. La grogne existe contre ces «importés».

Autre petite phrase à vérifier, dans un pays où les valeurs confucéennes du père Lee Kuan Yew et du fils Lee Hsien Loong vont à l’encontre du filet de protection sociale, il y aurait 400 000 personnes qui touchent depuis 2007 le WIS, c’est-à-dire le Workfare Income Supplement (supplément de revenu). Quid?

L’inflation est aussi à blâmer pour cette situation précaire. Un mal généralisé en Asie où 64 millions de personnes en sont menaces, selon la Banque Asiatique de développement . Au tournant de l’année, l’inflation a oscillé entre 4 et 5% à Singapour. Le gouvernment espère stabiliser ce chiffre à 3-4% en 2011. Le dollar de Singapour a été dévalué de 9,3% en 2010 à cause de ce problème.

Faudrait consulter à ce sujet et d’autres problems des toiles d’opinions privées qui ne reflètent pas la version officielle: The Online Citizen ainsi que Tamasek Review.

Enfin, à surveiller, des elections générales auront lieu le 7 mai 2011. Selon des articles parus dans Asia Times, les pages web (comme les deux ci-dessus) ressentent fortement l’effet de la cybercensure gouvernementale. Le Parti de l’action du people (PAP) contrôle déjà 82 des 84 sièges à l’assemblée legislative et n’a pourtant pas grand chose à craindre. Sur la scène économique, les pères de la petite république croient dans la compétition, mais pas en politique.

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