mercredi, mai 04, 2011

Le pavillon de Taiwan à l'Expo '67 et ma vocation

Ma passion pour la Chine dès 1967, année de l'Expo. à Montréal

En fouillant dans mes (nombreux) vieux papiers, j’ai retrouvé cette carte postale du pavillon de la République de Chine à l’Exposition universelle de 1967 à Montréal. La République de Chine (RdC) c’est le gouvernement de Taiwan qui, à l’époque, était le seul représentant de la grande Chine -- même s’il ne contrôlait que l’ile nationaliste.

Pour moi, cette image (plus haut) représente avant tout l’année où j’ai pris la décision ferme de me lancer dans l’étude de la Chine. Un peu comme une vocation. Sorte de conversion culturelle.

Mais ce n’est pas le fait d’avoir travaillé comme guide à «Terre des Hommes» qui m’a fait me passionner pour ce pays. Ce ne sont pas les visites répétées et assidues que j’effectuais avec des VIP dans les meilleurs pavillons nationaux de l’Expo qui ont attisé ma curiosité orientale. En 1967, il y avait déjà quelques années que j’avais découvert la langue espagnole et le Mexique. L’Allemagne et sa langue. En plus de tous les pays de la Méditerranée du côté du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord. Mes voyages d’étudiant dans ces contrées m’ont tout simplement amené à rechercher encore plus d’exotisme. Et le pays le plus exotique des années ’60 c’était sans le moindre doute le pays de Mao.

Chine : autre planète

Pourquoi? En peine guerre froide, la «Chine rouge» était un espace complètement à part. C’était au plus fort de la guerre du Vietnam. Pays ennemi! La Chine continentale (autre appellation pour ne pas dire communiste) souffrait du blocus américain et ne faisait pas encore partie des Nations unies. Et comme pour ajouter l’hirsute à la culture, cette population en bleu de chauffe égalitaire voguait en pleine Révolution culturelle. Les Gardes rouges étaient-ils tombés sur la tête avec leur petit livre rouge? Bref, la Chine c’était la planète Mars à n’y rien comprendre.

Les années ’60 ce fut bien sûr mai ’68 à Paris et Berkeley en ébullition de gauche en Californie. Au département de Science politique de l’Université Laval où j’étudiais avec Léon Dion (père du très libéral Stéphane Dion), Gérard Bergeron, André Patry et Vincent Lemieux, les idées socialistes nous rejoignaient. La guerre d’Algérie et son indépendance nous ont d’abord fascinés. Les écrits des éditions François Maspéro (1959-1982) comme ceux de Frantz Fanon, Ho Chi Minh, Charles Bettelheim et Régis Debray nous faisaient réfléchir. Les livres du «commerçant permanent de la révolution» qu’était Maspéro avaient le mérite de nous présenter un angle très différent sur la politique internationale.

J’insiste ici sur un point. Je n’ai jamais été «maoïste» ni membre de mouvements de gauche de salon. Certain que j’ai lu les opuscules du Grand timonier. J’ai été le premier à importer du Quartier chinois de Manhattan les premières copies du petit livre rouge pour mes confrères de Laval, mais c’était plutôt un objet de curiosité. Exotique!

Ce que j’admirais beaucoup chez les Chinois? D’après les témoignages de ceux qui en arrivaient, la volonté populaire de développer le pays en innovant avec des recettes authentiquement chinoises. Sans copier servilement le modèle soviétique. Je méditais sur cette anecdote racontant  que des travailleurs courageux disaient «vouloir construire un grand pont avec du bambou. C’est tout ce qu’on possède et c’est ce qu’on sait faire même si ça ne s’est jamais fait.»

China Airlines au féminin

Pour revenir à notre pavillon de la RdC, je me souviens être allé parler à des hôtes et des hôtesses pour leur manifester mon engouement pour tout ce qui était chinois. Il y avait une immense murale du lac du Soleil et de la lune, grande attraction touristique formosane. Les élégantes demoiselles étaient des hôtesses de l’air de la China Airlines. Beaucoup plus tard, j’ai appris que Cynthia Lam, directrice du Service à la Famille chinoise faisait d’abord partie de ce contingent d’élite. La mère du chef Felix Turianskyj du chic hôtel Opus (Sherbrooke et St-Laurent) a aussi décidé de rester à Montréal après l’Expo ’67. Sauf erreur de ma part, Mme Hazel Mah du chic restaurant Piment Rouge (hôtel Windsor) travaillait aussi au pavillon de Taiwan.

Par la suite, après avoir complété mes années heureuses de Science Po à Québec, je me suis inscrit à McGill. Même discipline, mais pour une maîtrise avec concentration sur la Chine. L’Université du centre-ville se lançait en pionnier dans les études de cette vieille civilisation. L’âme dirigeante était le professeur Paul T. K. Lin avec Sam Noumoff (marxiste notoire) comme bras droit. J’ai donc commencé à y étudier la langue chinoise. La toute première classe de mandarin au Québec avec des profs taiwanais comme la dynamique pédagogue (expérimentée) Peggy Wang, la jeune Jenny Chang et un Sino-Américain (que nous avons contesté à cause de sa méthode basée sur la romanisation plutôt que les caractères).

Voilà ceux qui nous ont inculqué le ni hao ma? dans la grande enveloppe de la culture chinoise. J’en garde un excellent souvenir. Puis, en 1970, le Premier ministre Pierre Trudeau a fait un pied de nez au State Department en reconnaissant la Chine populaire. La Chine devenait moins exotique. Plus officielle et diplomatique. Une page d’histoire était tournée. Peu de temps après avoir reçu le feu vert pour mon mémoire de maîtrise, je suis parti pour deux ans à Hong Kong. Et ça, c’est une autre histoire!

1 commentaire:

Denis Desjardins a dit...

Très intéressant. Il me semble cependant que dans les années suivantes, le pavillon chinois de TDH n'était plus taïwanais; je crois me rappeler que des jeunes maoïstes d'ici (soit du PCO, soit du PCCML) en étaient les guides et propagandistes du régime. Ils présentaient aussi un long métrage de fiction datant de l964 intitulé LES SERFS (film de propagande maoïste, bien sûr). J'ai vu ce film au pavillon chinois en 1978.