dimanche, décembre 04, 2011

Toute la sagesse du maître en 60 Biscuits chinois



Quelques-uns des nombreux amis du maître Lew au lancement

Au Salon du livre, les 60 Biscuits attirent encore d'autres amies
Qui dit Alfred Dallaire pense automatiquement au passage final à l'au-delà. Mais qui dit lancement de livre au Bibliocafé d'Alfred Dallaire Memoria peut s'attendre à un joyeux événement. Ce fut justement le cas avec le lancement du petit livre rouge du maître de taiji, LEW Yung-chien, intitulé (avec humour): 60 biscuits chinois.

Dans une courte allocution (il est toujours bref), l'auteur (alias Liu Rongqian) nous a fait rire en expliquant qu'on lui demandait souvent à son arrivée ici il y a 30 ans: «Dans quel restaurant travaillez-vous?» Non, il n'a jamais servi de chow mein, préférant faire carrière comme designer pour le compte de grandes compagnies. Le reste du temps, Lew Yung-chien a exercé son talent comme peintre, photographe, potier et prof de taiji. Mais sur le tard, il a quand même voulu contribuer à l'appétit des Québécois pour avec des fortune cookies. En fait, pas tellement pour les biscuits torsadés, comme pour les maximes sur bouts de papier. L'auteur (qui se fait simplement appeler Yung) fait compétition avec Confucius en matière de sagesse.

Préface de Jacques Languirand

Sagesse toujours, Jacques Languirand  fait rigoler tous les invités du lancement avec le fait qu'il a atteint l'âge honorable de 80 ans. Debout à côté de son bon ami Yung, le vétéran de la radio ressemble au Huangshan (la célèbre montagne Jaune) comparé à notre Mont-Royal. Goliath à côté de David. Dans sa préface, l'octogénaire écrit de l'ami Yung: «Il emprunte à deux cultures qu'il parvient à réconcilier en éveillant chez l'Occidental le sens de l'harmonie et de l'équilibre en toutes choses par la fusion entre le mot et l'image, entre la calligraphie chinoise et l'écriture occidentale.»

Le petit livre rouge comporte une collection de 60 maximes s'adressant à des Occidentaux comme à des Chinois puisque tout est écrit en français, en anglais et même en chinois. Les dessins en rouge et noir aux coups de pinceau candides trahissent la personnalité de l'auteur qui ne parle jamais pour rien dire. «Le regard peut être plus éloquent que la parole.» «Ouvrir la bouche peut parfois être périlleux», propose-t-il avec l'illustration d'un poisson ouvrant la bouche pour se faire prendre par l'hameçon. Sans oublier: «C'est bien de prendre le temps d'assister aux funérailles d'un ami. C'est encore mieux de le visiter de son vivant.» Très à propos ce jour-là.

Éditions du Passage

La bonne humeur et l'humour étaient de mise. Tout en expliquant un des pourquoi du Bibliocafé de la rue Saint-Laurent, «On voulait desservir la communauté portugaise», la présidente Jocelyne Dallaire-Légaré m'a vite aidé à former un groupe pour le rang d'oignon destinée à LusoPresse. Pendant que Yung dédicaçait méthodiquement des copies de son bébé (avec l'aide de son ex-assistante Kim-Chi Huynh), le grand chef du restaurant l'Express, Joël Chapoulie, commentait: «C'est un homme de coeur!»

Les «60 biscuits chinois» sont publiés par les éditions du passage (sic) dont la fondation remonte à 1999. L'éditrice Julia Duchastel-Légaré et Jeannette Rioux étaient fort occupées à accueillir les nombreux invités. Nicole Lafond, qui a commis le design graphique de L'Esprit du taï-chi (Éditions du Jour en 2009) me confirme que c'est elle qui a amené Lew Yung-chien aux éditions de Julia: «C'était moins commercial. Ça correspond mieux au passage.» C'est ensuite l'assistante d'édition Julie Clade qui a mené à bien le projet.

La responsable des communications, Simone Sauren, très expérimentée, n'en est pas à son premier lancement. Si les éditions du Passage se veulent «un espace de rencontres», c'était réussi. Non pas seulement Québécois et Portugais, mais aussi Québécois et Asiatiques. La conjointe de Yung, la pharmacienne Thi-Mui Bui, se promènait d'un groupe de conversation à un autre avec son petit appareil photo et son grand sourire. Parmi les bibliophiles, il y avait d'autres personnes d'origine vietnamienne ainsi que des amis de Taiwan, de Hong Kong et du continent chinois. L'un était peintre, l'autre s'adonnait à la calligraphie.

(1) Dans l'ordre habituel, Nicole Dumais (épouse de Jacques Languirand), Jocelyne Dallaire-Légaré, présidente d'Alfred Dallaire Memoria. Le Radio-Canadien bien connu Jacques Languirand. Mme Thi-Mui BUI, la conjointe de l'auteur LEW Yung-chien en veste chinoise. À l'extrême-droite, le père du bixi, Michel Dallaire. 

(2) Au Salon du livre, Lew Yung-chien est entouré de Yip CHEUNG, Christine YU, l'auteure Michèle Plomer et de Kim-Chi BUI.

dimanche, octobre 02, 2011

Lusophonie: Mia Couto diffuse son Mozambique

Mia Coutu est resté au Mozambique après l'indépendance

L'écrivain bien connu Mia Couto nous plonge dans les contradictions d'une famille désarticulée de son pays avec un livre très récemment publié en français témoignant d'une plume alerte et d'un esprit fin. Un sens extraordinaire de la fiction. Pas un roman structuré avec une intrigue ou un suspense soutenu, mais l'occasion de peindre un tableau humain. En plus, des réflexions sur la vie, les humains et le cosmos.


Il faut donc quelques dizaines de pages avant d'entrer dans l'univers de fable de Mia Couto. S'agit-il bien du douloureux Mozambique profond de l'auteur? Quelle époque? Qui sont ces personnages flottant dans l'air du désert et de la brousse? Même le titre choisi en français semble vouloir entretenir l'ambiguïté : L'Accordeur de silences.

Le titre de la version en portugais (2009) n'en dit guère plus: Jesusalém. Le nom de l'endroit fictif où sont exilés les quelques protagonistes est un «mot-valise» composé de Jésus et d'além, (soit Jésus et au-delà).

Cinq Mozambicains

Si le médecin-biologiste Mia Couto a  décidé de ne pas analyser le cadre de l'action, par contre les personnages de l'au-delà (além) sont vivants dans leur affliction. Le narrateur Mwanito (onze ans, gamin né pour se taire) et son frère aîné Ntunzi (le souffre-douleur) sont les enfants du vieux Silvestre Vitalício, homme têtu comme l'aiguille d'une boussole. Il y a aussi le jeune Zacaria, toujours affublé d'un fusil. Et aussi l'oncle baptisé Aproximado.

Les femmes dans ce tableau monoparental? Mwanito et Nutzi ont la nostalgie de leur mère défunte Dordalma d'où le terme saudade revenant régulièrement dans le texte de 238 pages. Il y a aussi la présence dérangeante de Marta, la blanche tuga (la Portugaise), dans cette terre douloureuse qui donne lieu à toutes sortes de réflexions sur l'amour de la part des cinq mâles. Le langage est parfois poétique, mais parfois cru dans ce «monde de merde» qu'est leur refuge éloigné de la ville.

Né en 1955 à Beira (ville natale de la directrice de la Galerie 3C, Claudia Chin, que LusoPresse vient de présenter), le prolifique Mia Couto porte plusieurs chapeaux avec l'expérience du journalisme, puis de l'enseignement de la biologie et de l'écologie à l'université. (Il aurait beaucoup à échanger avec notre ami Boucar Diouf, l'océanographe passé à l'enseignement et maintenant à un métier s'adressant au grand public.) Le fils d'immigrants portugais nous fait apprécier sa sagesse: «Les fantômes nationaux ne s'entendent pas bien avec les étrangers» ou bien celle-ci qu'il place dans la bouche du tonton Aproximado: «Qui veut l'éternité regarde le ciel, qui veut l'instant regarde le nuage».

Bon partage d'auteur

L'Accordeur de silences nous promène brièvement sur les bords du Tage, à Lisbonne, mais sans y philosopher. Par contre,  çà et là, les noms d'arbres comme le mafura et le ntondo ainsi que l'ânesse nommée Jezibela nous font palper le continent africain. Les Brésiliens y trouveront du Chico César avec cette jolie phrase de sa chanson Templo: Se você olha para mim eu me derreto suave, neve num volcão... [Si tu me regardes je fonds doucement, neige dans un volcan...]. Les Açoriens y trouvent même mention du triste roi Gungunhana (1850-1906) arraché de son Afrique par les autorités coloniales et abandonné à sa mort dans l'exil à Terceira.

Mentionnons que les éditions Métailié (Paris) possèdent une «Bibliothèque Portugaise» d'une quinzaine de titres dirigée par l'historien de l'art et traducteur Pierre Léglise-Costa avec des auteurs comme Lídia Jorge pour ne mentionner que ce nom (voir l'article récent de ma collègue Inês Faro). Anne-Marie Métailié écrit que sa maison publie souvent des auteurs alors inconnus dans leur propre pays, mais qui ne le restent pas longtemps.

Ce mois-ci, le professeur Couto laisse son université à Maputo pour une tournée de promotion en France. Pourquoi pas l'an prochain au Salon du livre de Montréal?  En attendant, L'Accordeur de silences est affiché en vitrine à la librairie Gallimard, 3700 Saint-Laurent. Enfin, merci à la traductrice Élisabeth Monteiro Rodrigues de faire connaître cet auteur (d'une dizaine de titres) aux lecteurs de la francophonie. Bon partage interculturel entre la Lusophonie et la Francophonie (www.editions-metailie.com)

jeudi, septembre 15, 2011

Le dalaï-lama décline l'humour comme un mantra

Le dalaï-lama à sa conférence de presse
Le passage du chef spirituel des Tibétains chez nous a généré de bonnes réactions. Personnellement, j'ai eu l'honneur de lui serrer la main. Moment mémorable pour moi! C'était la troisième fois que je le voyais en personne à Montréal.

Cette fois-ci, comme billet, je veux m'attacher surtout à son grand sens de l'humour. Attribut étonnant pour le défenseur d'une population longtemps malmenée. (On reviendra plus tard sur ses enseignements philosophiques.)

Je me suis porté bénévole à la journée du 7 septembre au Palais des Congrès (PdC). Assigné à la sécurité (sûrement pas pour mes gros bras!), je me suis pointé à l'hôtel Hyatt dès 6h45. Pierre Labranche, mon avenant coéquipier de la conférence «Paix par la religion», m'a tout de suite proposé de monter au 12e étage où séjournaient tous les invités de marque: «Veux-tu le voir?» m'a dit Pierre. Quelques minutes d'élévation, puis l'homme en tunique rouge vin a affectueusement serré la main à quelques jeunes triés sur le volet et au reste du personnel admirateur. Je n'oublierai jamais son regard bienveillant. Pierre Labranche photographiait le tout avec son Leica (déguisé en Fuji). Bien heureux de cet honneur, ma journée était faite. Mais ça ne faisait que commencer.

Un simple humain

Après une rapide escapade à Longueuil (sans être resté prisonnier dans l'enfer routier), le dalaï-lama fait son entrée au PdC et la meute de reporters l'entoure illico à sa sortie de l'ascenseur. Petit imprévu au protocole, l'homme de 76 ans se dirige d'un pas décidé vers les WC. Les paparazzi restent pantois. À l'extérieur de la salle d'eau. Fou rire (étouffé). Le dalaï-lama n'a-t-il pas déjà déclaré qu'il est un «simple moine»?

Malgré les gardes du corps, on aperçoit une grande femme en tunique non canonique (avec turban jaune clair assorti) approcher le petit groupe de Tibétains. Francine Grimaldi fonce poliment vers le premier moine du groupe pour lui serrer la main. Elle réussit la manoeuvre en espérant en faire autant avec le 14e dalaï-lama qui suit immédiatement derrière. Mauvais calcul, ce dernier passe tout droit, comme une balle, devant la femme bronzée. Rire étouffé des spectateurs.

À la conférence de presse, devant une salle pleine, le DL marque ses interventions de généreux éclats de rire, entre autres, lorsqu'il suggère d'«apprendre la patience de ses ennemis». Rien de drôle, mais le message passe mieux ainsi.

La casquette de tennis

Au début des savants exposés, devant un parterre de quelque 2 000 personnes, Tenzin Gyatso (de son vrai nom) quitte un moment son lutrin pour aller fouiller dans son petit sac à provisions. Il se coiffe cérémonieusement de sa visière aux couleurs assorties. «Comme ça, je peux mieux vous voir. Si j'en vois dormir, je me dépêche pour finir de parler», lance l'homme charismatique d'un air enjoué en faisant une courbette du genre «excusez-la!». Encore là, il ponctue ses enseignements les plus graves sur la compassion, le pardon et la paix de rires prolongés. À Calgary, il n'a pas hésité à se faire photographier avec un large chapeau de cow-boy. À Montréal, aux applaudissements de la foule, il a poliment affiché sur sa poitrine le chandail blanc du club Canadien qu'il a reçu au Centre Bell en 2009.

Je traite ici le personnage de façon légère, mais l'idée d'une communication optimum prévaut. J'en profite pour fustiger le conférencier qui nous a lu son texte de façon mortelle pendant vingt longues minutes. À l'opposé, le professeur Tariq Ramadan a su nous parler, pour ainsi dire, dans le blanc des yeux. «Vous êtes un communicateur extraordinaire», lui ai-je lancé pendant qu'il dédicaçait ses livres. «Ce n'est pas ce qui est plus important», a-t-il rétorqué. Exact! Mais rien ne passe si le communicateur fait défaut.

Le couac des deux gardes

Par ailleurs, mon camarade Pierre Labranche m'a raconté avec stupéfaction un incident plus ou moins rigolo survenu la veille. Le jour de l'arrivée du «citoyen d'honneur canadien» à l'hôtel du Complexe Desjardins, Pierre fait consciencieusement le pion à côté de l'ascenseur de service. Tout va bien au rez-de-chaussée, la circulation est fluide. Tout à coup l'ex-policier de 30 ans d'expérience (à l'oeil de lynx) jette un coup d'oeil de côté et aperçoit deux hommes armés s'approcher de lui. Donc, parfaitement  capables d'atteindre l'espace protégé du chef spirituel tibétain. «J'ai regardé les pantalons et ça ne me disait rien. Des uniformes? Pas certain. Ils avaient la main posée sur le révolver de la ceinture.» Finalement, Pierre Labranche a aperçu leur badge (discret) de l'agence Garda. Quand il a rapporté l'incident mi-cocasse, mi-menace à quelqu'un de l'hôtel, la réaction fut rapide: «On n'avait pas pensé à ça!...»

Malgré la gravité de ses propos quand il parle de la tragédie de ses compatriotes des hauts plateaux du Tibet, le dalaï-lama est probablement la personnalité asiatique qui sait le mieux manier le sourire. Un jour, à la question d’un journaliste qui lui demandait: «Quelle est la différence entre vous et Gandhi, le DL  répondit dans le style qui le caractérise : «les lunettes». J'ai oublié de regarder ce qu'il portait aux pieds. Le magnat de la presse Rupert Murdoch a déjà déclaré: « Certains cyniques disent qu’il est un vieux moine très politisé qui se promène en chaussures Gucci ».


Lunettes, casquette de tennis, chapeau de cow-boy, souliers Gucci? Le midi du 7 septembre, j'en ai appris une bonne en mangeant mon sandwich au poulet avec des gens des médias. Y paraît qu'après le départ du DL de sa chambre du Hyatt, les plus avertis de ses fidèles allaient s'y précipiter pour mettre religieusement la main sur les «reliques». Les objets que le réputé visiteur a touchés. Sa savonnette, sa serviette et sa fourchette?

Personnellement, bien que pas exactement un scapulaire, je m'attache à la photo couleur que j'ai prise de lui en 1992 alors qu'il se trouvait dans le bureau du PM Robert Bourassa à Hydro-Québec.

lundi, septembre 05, 2011

Chinoise ambitieuse du Mozambique et du Portugal

Claudia Chin possède en elle la culture de quatre continents

«Les gens sont devenus trop dépendants des nouvelles technologies. Ils nous demandent souvent ici si on a des vidéos au sujet des artistes. Les médias sociaux ouvrent des portes, mais en ferment aussi. En art visuel, par exemple, y'a une différence tactile entre une photo et une peinture dont le matériau est en trois dimensions. Faut que les gens viennent dans cette galerie», explique avec conviction Claudia Chin en entrevue pour mon journal.

Il y a seulement trois mois que Claudia Chin a ouvert la Galerie d'art contemporain 3C. Le second vernissage a eu lieu le 9 août. Parmi les premiers artistes qu'elle a mis en valeur: le photographe lusophone Karl P. Duarte et l'artiste en arts visuels  Stewart Fletcher dans une exposition portant sur la représentation du corps féminin, «Formes sensuelles», soirée auquelle assistait LusoPresse.

Beira, Lisbonne et Montréal

Chinoise jusqu'au bout des doigts, Claudia Chin calligraphie aisément son nom avec un doigté d'artiste. Nom en pinyin: Zhen Jiali (甄架丽). Mais pourquoi un journal portugais s'intéresse à cette jeune fondatrice et propriétaire de galerie? Non seulement ses parents (présents au vernissage) parlent portugais, mais Claudia Chin l'écrit aussi. Pour la simple raison qu'ils sont nés à Beira, au Mozambique. Ils ont fait partie de la minorité des 2 000-3 000 Chinois dans ce pays. (Ce sont les grands-parents qui ont navigué vers l'Afrique au début du 20e siècle.) Heureux mélange interculturel pour ces citoyens du monde devenus montréalais en 1987 -- après dix ans passés à Lisbonne.

Claudia Chin est curieuse et ambitieuse. Laisser l'artiste créer, tandis que la galerie en fait la promotion et vend. «Je veux donner une voix et un espace aux artistes en qui je crois. Je veux organiser des événements de collectes de fonds pour des organismes comme la Fondation du coeur. Le cancer, les hôpitaux des enfants, bref en santé et en éducation. Aussi, créer des événements interdisciplinaires, faire dialoguer des gens: films, musique avec art, jazz.»

L'influence de Lisbonne

Comment a germé l'idée de cette galerie? De la ville portuaire de Beira, la famille (avec son frère maintenant en Colombie-Britannique) est passée dans la capitale portugaise en 1977 lorsqu'elle avait trois ans. «J'ai grandi dans le concelho de Loures à Lisbonne, dans un vieux pays. J'ai toujours été exposée aux sculptures, aux musées, à l'art dans les lieux publics. Les statues en pierre et en métal. Très différent de Montréal.» Mais le déclic pour une galerie s'est fait à partir de ses discussions avec Stewart Fletcher et un autre artiste, G. Scott MacLeod.

Refusant de se laisser écraser par la routine, Claudia Chin a quitté un emploi à temps plein en 2008 et est devenue conseillère pour des artistes. «J'ai remarqué que chaque cinq ans, j'avais besoin d'un changement d'environnement.» Ce sont finalement ses amis qui l'ont dirigée vers cette nouvelle aventure. En particulier, Stewart Fletcher qui occupe un atelier dans le même bâtiment du 9150 de la rue Meilleur (près Chabanel). «Il m'a proposé de venir ici.» Voici comment elle a eu le courage d'occuper le local bien illuminé aux murs pâles. Un loyer raisonnable dans le «quartier de la guénille» qui s'ouvre sur le monde de l'art, selon elle.

Le soir du vernissage, les représentants de LusoPresse ont trouvé chez les parents de Claudia d'aimables gens vifs d'esprit maîtrisant très bien la langue de Camões.  Claudia avoue ne pas être branchée sur la communauté portugaise de Montréal. Pas sur la communauté chinoise non plus (bien qu'elle parle cantonais avec sa parents). Pour ne pas réinventer la roue, voilà deux réseaux à intégrer, lui a t-on conseillé. Le baccalauréat en vente et en marketing de l'Université Concordia quelle possède sera un atout très précieux pour rentabiliser ses opérations de dialogue et aider les artistes à réussir. 

jeudi, juin 30, 2011

Canard de Pékin: le bon, la bête et le truand




Mon premier face à face avec l’aristocrate canard de Pékin remonte à 1975 à ma première incursion en Chine rouge. Notre groupe de Québécois formait une délégation de l’Association d’amitié Canada-Chine et, malgré une Révolution culturelle essoufflée -- qui sévissait encore pour un an -- une expédition gastronomique faisait partie du «plan». Il ne devait exister que deux établissements spécialisés dans le canard de Pékin à cette époque révolutionnaire lorsque les Gardes rouges venaient de «bombarder» tous les QG de la bourgeoisie.

«Tu t’assoiras à côté de l’ambassadeur Chai Zemin, afin de bavarder avec lui pendant le souper», m’avait demandé le Dr. Denis Lazure, secrétaire général de notre allègre délégation -- plus tard ministre péquiste de la Santé. Le journaliste chevronné Jean Paré était aussi de la partie. Malheureusement pour moi, le l’illustre patron de l’Association avait un tel accent (du Shanxi) que je n’ai à peu près rien compris pendant tout le repas. Le diplomate chevronné (qui avait déjà été en poste dans trois chancelleries dont l’Égypte) me ravitaillait en canard et c’était là déjà beaucoup «d’amitié» entre nous deux. Youyi! Ce n’est que plus tard que j’ai appris que le bienveillant sexagénaire avait été nommé ambassadeur de la première représentation de Pékin à Washington. Henry Kissinger en parle dans son récent livre On China.

Menu pour collectionneurs?

Le modeste établissement était situé en plein coeur de la capitale. D’après mon antique guide Nagel (1973), sur Shuaifuyuan, petite rue perpendiculaire à la grande artère commerciale Wangfujing. Aucune enseigne à l’extérieur comme pour éviter d’attirer l’attention des jeunes maoïstes. «Décor sans apprêt», précise Nagel. Le menu ronéotypé en lettres bleues sur un talon de papier blanc énumérait les huit plats de canard alors offerts. Toute l’anatomie y passait. Je n’ai jamais été capable de retrouver l’intégrale de ce festin si raffiné dont l’origine remonte à la dynastie Ming. Les empereurs en raffolaient. Chai Zemin aussi.

Quelqu’un me disait récemment avec beaucoup de sérieux que je devrais mettre en vente à l’encan mon menu de 1975 sur la toile chinoise pour en retirer une bonne somme de renminbi. La même personne ajoute que tout est «money money» maintenant dan son pays, en avertissant qu’«il n’y a pas de morale». J’y réfléchis.

Par la suite, au cours de plusieurs excursions touristiques – moins révolutionnaires – le canard de Pékin s’est démocratisé et le nombre de restaurants portant ce nom s’est multiplié. Même des chaînes de restaurants. Après quelques expériences malheureuses où mes compatriotes se sont faits servir de la «viande plutôt graisseuse», j’ai commencé à exiger que ces repas aient obligatoirement lieu dans le restaurant dit Quanjude (Réunion de toutes les vertus) dont la fondation remonte à 1864. Les chefs d’État de plusieurs pays (photos à l’appui) y ont dégusté la petite bête à plumes et, malgré ses quatre étages la qualité est au rendez-vous. L’ambiance est à la fête avec beaucoup de bruit dans les salles de banquet pouvant accueillir 800 personnes. Pour les intimes : 18 salons privés.

Canard de hutong pour initiés

Lors d’un voyage d’affaires en 2005, j’ai proposé de réunir quelques camarades dans un Canard de Pékin, histoire de joindre l’utile à l’agréable. Entre temps, le journaliste Éric Meyer est tactiquement intervenu pour nous proposer sa rôtisserie favorite, le Liqun. «N’allez pas dans une trappe à touristes», m’écrivit-il. Sa merveilleuse idée c’était une construction rudimentaire (promise à la démolition) dans une hutong (ruelle), près de Qianmendong dajie, où les chauffeurs de taxi ne pouvaient pas entrer. Il fallait autant de temps pour trouver la place que de manger le canard. Réservé aux initiés pékinois, bien que le Lonely Planet l’avait bel et bien repéré. Zéro étoile pour les décors. De style Schwartz pour le smoked meat à Montréal. Mais dans un salon privé avec plafond bas.

Ce fut le deuxième meilleur canard laqué de ma vie. Inoubliable! J’ai croqué pour la postérité le sympathique groupe réuni à notre grande table. À ma gauche, Éric Meyer que je rencontrais pour la première fois m’accapara pendant tout le repas. Pas grave : conversation stimulante! Il y avait aussi Jean Marchand, le plus talentueux interprète québécois. Gervais Lavoie, l’anthropologue devenu homme d’affaires. Pierre Saint-Louis, avocat spécialisé en immigration. Francis Acquarone, un Québécois devenu presque chinois depuis le temps. Wang Weiwei, l’amie taiwanaise de ma cadette Émilie. Mon complice Sylvain Leblanc qui en était au milieu de son séjour de neuf ans en Chine. J’organisais ce repas de la Ligue du sirop d’érable en Asie (sic) pour le plaisir de la super-efficace Élisabeth Vassallucci, vice-présidente Communications d’Alcan, et son mari gourmet Mark Gingras, adepte des arts martiaux.

Selon le Canard enchaîné, foi du charbonnier, Al Gore, Valéry Giscard d’Estaing et Pierre Bourque étaient aussi passés à ce Liqun du prolétaire. La grande différence : nous avions quelques canettes de pur sirop d’érable pour la joyeuse occasion. Les agapes à peine terminées, un employé en blanc-gris vint nous dire que nous devions céder notre cubicule à un autre groupe de noceurs. Pas question de s’y attarder. Au moment de payer la douloureuse, je tendis à bout de bras la facture à Élisabeth, mais André Halley, venu de Shanghai, esquissa un geste rapide de kungfu et s’empara du bout de papier idéogrammé. La facture était ridiculement bon marché. Moins de cent dollars canadiens pour onze VIP, si je me souviens bien. Quelques jours plus tard, lorsqu’Élisabeth fut invitée par ses collègues de l’aluminium, le canard ne fut pas meilleur.

Mes derniers canards de Pékin ont été des canards de Montréal. Un moment donné, l’entreprise bien connue du lac Brome (Knowlton) voulait resserrer ses relations d’affaires avec la communauté chinoise qui représentait déjà une clientèle loyale. Un consultant en alimentation que ma fille Émilie connaissait me confia donc un contrat : aider à préparer un plan de marketing. Je lui proposai de trouver le meilleur canard de Pékin à Montréal afin de s’en servir pour publiciser le célèbre plat. État donné que les canards du lac proviennent de Chine (1912) pourquoi ne pas mousser cette prestigieuse tradition?

Malheureusement, en dépit de nos introspections aux meilleures tables chinoises et de nos commandes précises, nous avons dû nous contenter de canards à la cantonaise. L’artiste multitalents et multidisciplinaire Lew Yung-chien (Liu Rongqian) était bien d’accord avec moi. Pas mauvais, mais rien s’approchant de l’authentique spécialité de la capitale.

La peau croustillante

Ironiquement, le premier prix de ma recherche alla au restaurant Shanghai du 2028 rue Saint-Denis -- maintenant reconverti en maison japonaise sous le nom de Vent d’Osaka. Ce fut une surprise car Luba, l’aimable propriétaire du Shanghai est une Chinoise née dans le Kazakhstan avec des atomes crochus slaves. Le personnel parle le russe comme le chinois, sans compter un français impeccable chez Luba et son accueillant mari Liu Weiqi.

«C’est quoi ça?» Mon ami Robert et son groupe, actuellement en préparation d’un voyage prochain dans le pays de la soie me demandent d’éclaircir le mystère du canard laqué.

Pour toi Robert, j’emprunte in extenso l’explication qu’en donne le savant Guide bleu. «Le canard est d’abord engraissé au maïs, à l’orge et au soja. À l’aide d’un petit tube de caoutchouc, on souffle à hauteur du cou pour détacher la peau des chairs en pinçant à l’arrière. Il est ensuite suspendu et ébouillanté par aspersion avec une eau parfumée au gingembre, séché, puis badigeonné avec une sauce composée de miel, de vin de riz, de sauce de soja et d’eau chaude. Enfin, il est rôti dans un four à bois alimenté par cinq sortes d’arbres fruitiers. On sert d’abord sa peau croustillante et ses lamelles de viande accompagnées de ciboule hachée, d’une sauce épaisse au soja, et on déguste le tout roulé dans de petites crêpes.» 

Reste quand même, mon cher Robert, qu’avant de marcher dans les traces de Marco Polo en novembre prochain, tu pourras savourer la chair tendre de ce bipède ici même. Peut-être pas celui de Pékin, mais un demi-canard ou un complet que tu peux acheter dans le Quartier chinois. Rôti à la cantonaise. Peu importe la peau, la chair est délicieuse. Seul petit hic, il se peut qu’il manque une patte à l’animal. Pas de morale! Comme disent les Amerlos, «c’est avec des cennes noires qu’on fait des piastres».

mardi, juin 28, 2011

Le diplomate Henry Kissinger, sinologue de 88 ans

Le président Jiang Zemin bavarde avec Henry Kissinger


À l’âge vénérable de 88 ans (chiffre chanceux), Henry Kissinger vient de commettre une excellente étude sur la diplomatie et la stratégie chinoise. Une livre qui fera époque à cause du rôle unique de ce diplomate de carrière qui fut le négociateur  pour le président Nixon, d’où sa connaissance directe de la vision du monde des leaders chinois. Acteur de premier plan! Cinquante voyages en Chine! Henry Kissinger a aussi su se faire aider d’une équipe de rédaction lui permettant de mieux présenter l’histoire contemporaine du géant chinois. Le mot à mot de ses conversations à Pékin confère autorité au livre de presque 600 pages.

Dans les premiers chapitres, en guise d’introduction, Henry Kissinger réexamine la diplomatie de la fin de la dynastie Qing (Mandchous) dans leurs conflits avec les  puissances étrangères. Cette période est mieux connue et on y retrouve des éléments connus comme le kowtow (génuflexion) que l’empereur exigeait et le concept de l’Empire du milieu en relation avec les états tributaires. Petite révision indispensable pour comprendre la suite de l’histoire.

De Varsovie à Pékin

Le roman policier commence ensuite avec le premier voyage ultrasecret qu’Henry Kissinger a effectué vers Pékin pour préparer la réconciliation américano-soviétique. Il n’y avait pas eu de tel contact direct à haut niveau en 20 ans. Seulement l’étape précédente de 130 rondes de conversation à Varsovie au niveau des ambassadeurs. L’objectif était de préparer un face à face entre un Mao Zedong vieillissant et un Richard Nixon pourtant reconnu pour son anticommunisme.

Était-ce connu? Pendant que les dirigeants américains décidaient de se rapprocher du régime chinois, Mao Zedong et Zhou Enlai décidaient d’en faire autant afin de se protéger de la menace de l’Union soviétique. Jouer la carte américaine. Quatre généraux (condamnés aux travaux manuels) suggérèrent ce grand virage diplomatique. L’un d’eux se servit de l’histoire du Roman des trois royaumes (livre alors banni) pour mieux faire passer leur audacieuse recommandation au Grand timonier. Une «inspiration stratégique» provenant des «ancêtres». Cette populaire saga dont l’action se situe à la fin des Han (3e siècle) a été écrite à l’époque Ming (14e siècle). (John Woo en a récemment tiré le film Red Cliff.)

Henry Kissinger en profite pour expliquer que les Chinois vivent en symbiose avec leur histoire. Ce qui s’est passé quelques dynasties plus tôt est présent à l’esprit comme si ça s’était passé hier. Pour expliquer son expédition militaire contre l’Inde en 1962, le président Mao Zedong a invoqué deux guerres survenues l’une 1 300 ans plus tôt (Tang) et l’autre 700 ans plus tard (Yuan). Au Premier ministre Alexeï Kossyguine, il parlait de mener une lutte idéologique pouvant durer jusqu’à 10 000 ans contre les révisionnistes soviétiques -- avec une tranche de mille ans pouvant être soustraite grâce à une généreuse «concession» du président. Une perception du temps totalement différente de celle que nous avons en Occident. «La Chine est unique.»

Le jeu de go

Henry Kissinger revient souvent sur la notion de l’encerclement tout en évoquant le  jeu de weiqi (le go) qui s’apparente à la guerre de territoires. Un jeu vieux de 3 000 ans -- qui n’est apparu en Occident que très tardivement. C’était la hantise du régime de Pékin de se faire «stratégiquement encercler» du temps de l’Union soviétique et de la guerre froide. Dès la page 24, premier chapitre, sur la «singularité de la Chine», apparaît un croquis de l’échiquier de ce jeu avec ses 361 intersections. À la page suivante, c’est au tour du célèbre stratège Sun Zi de faire son entrée dans l’explication à la Kissinger de la Realpolitik de la Chine. De bonnes pages en interculturel.

Un chapitre que j’ai lu attentivement est celui qui examine la «diplomatie triangulaire» en rapport avec la guerre de Corée. (Je le recommande à mon bon ami écrivain Ook CHUNG.) Je sais qu’il existe différentes versions des faits d’après mes conversations avec des amis chinois de Pékin. Exactement qui a déclenché les hostilités? L’intervention de l ‘armée chinoise? Les tractations du grand leader Kim Il-sung avec Joseph Staline et Mao Zedong? Je n’essaierai pas résumer ici ce 5e chapitre, mais j’imagine que les spécialistes de la Corée y trouveront des observations intéressantes.

Qui de mieux placé que le secrétaire d’État de Richard Nixon pour tracer un portrait du Grand timonier et du suave mandarin Zhou Enlai? Le premier était le «roi-philosophe» évoluant dans les «hauteurs olympiennes» et s’exprimant en paraboles, tandis que le second pratiquait un «élégant professionnalisme». Par contre, le contraste était extraordinaire avec l’«indestructible» Deng Xiaoping qui s’attachait à l’«éminemment pratique», «dédaignait la philosophie» et ravitaillait le crachoir pendant les réunions. Par la suite, l’ex-numéro un de Shanghai, Jiang Zemin, «souriait, riait, racontait des anecdotes et touchait ses interlocuteurs pour créer un lien» tout en étalant ses rudiments de langues étrangères.

Toujours d’après l’auteur du livre tout simplement intitulé On China, (pas encore de traduction française), il ne faut jamais oublier une importante constante dans tout rapport avec les dirigeants chinois. Leur pays a subi un «siècle d’humiliation» aux mains des puissances étrangères et ils n’acceptent plus d’être traités de la sorte ni de se faire dire quoi faire. Toute pression étrangère est immédiatement rejetée. Surtout en matière de droits de la personne.

L’obstacle de Taiwan

La fierté du conseiller très écouté de plusieurs chefs de la Maison blanche c’est d’avoir été capable d’élaborer, du temps de Nixon, un cadre de référence général (framework) à partir duquel les deux gouvernements pouvaient trouver des solutions à des problèmes particuliers. Cette vision d’ensemble était plus facile à définir à une époque où tout partait de zéro. Tabula rasa! Kissinger essaie de se mettre à la place des leaders chinois pour expliquer leur approche. Les citations deviennent très utiles.

La grande pierre d’achoppement dans toutes ces années de délicate diplomatie bilatérale demeure le problème de Taiwan. Le communiqué de Shanghai de 1972 n’a pas suffi à régler le grand casse-tête opposant Washington à Pékin. Les crises ont été nombreuses.

Cette longue fresque historique, Kissinger la conclut en proposant de façon positive et visionnaire une «communauté du Pacifique». Une invitation à «bâtir» l’avenir ensemble!  À cette noble fin, ne pas se laisser freiner sur les contradictions à court terme, mais développer des mécanismes de vision à long terme ainsi qu’un «dialogue permanent».

Tout en passant à travers cette brique diplomatique, j’ai visionné à quelques reprises l’excellente entrevue d’une cinquantaine de minutes que Kissinger a donnée à Charlie Rose (30 mai 2011). Le journaliste de PBS  lui laisse le temps de répondre à toutes ses questions. L’entrevue menée par le Orville Schell (15 juin) que l’on peut voir sur la toile de l’Asia Society (New York) est moins bien réussie. Un moment donné, le professeur Schell demande à l’octogénaire aux cheveux blancs de résumer son volumineux ouvrage et celui-ci rétorque qu’il ne peut pas le faire en seulement une phrase. Ni deux.

Je ressens la même difficulté à essayer de bien résumer l’essentiel en mille mots. Bref, je vous invite plutôt à lire le livre. Pas toujours une lecture facile chez cet auteur d’une douzaine d’autre titres avec ses termes savants et ses longues phrases. Beaucoup de noms chinois aussi. Pas facile la Chine!

jeudi, juin 02, 2011

MBAM: revoir les guerriers de Qin et bien davantage

(Photos: gracieuseté du Musée des beaux arts de Montréal)

Les navigateurs portugais ont découvert la route maritime vers la Chine. C’est maintenant au tour de la Chine impériale de venir se faire redécouvrir par les Portugais. Au Musée des beaux-arts (MBAM), rue Sherbrooke. La dernière fois pour une telle fête des yeux c’était en 1986. À ne pas rater! L’exposition se terminera le 26 juin, mais faites vite pour éviter la cohue des retardataires. Après Toronto et Montréal, les 240 trésors (de 16 musées) rebroussent chemin vers la Chine. Rien à Calgary ni à Victoria.

La découverte fortuite des 8 000 guerriers de terre cuite a stupéfait le monde entier à partir de 1974. La plus grande révélation (par étapes) du dernier siècle – même en comparaison avec Toutânkhamon (1922). L’empereur Qin, génial et destructeur, qui commanda cette armée funéraire n’a pas fini de faire parler de son règne car sa mystérieuse tombe reste encore à être explorée. Folie des grandeurs! Suspense historique de 2 200 ans dont la magnificence dépasse l’imagination.

Avant-gardiste pour l’époque

La fiche technique de ces colosses de 2 m de 270 kg? Leur fabrication nécessita une petite armée d’artisans usant de génie pendant une dizaine d’années selon des techniques révolutionnaires pour l’époque. Par reconnaissance faciale, un scientifique néozélandais confirme que les gardes funéraires sont tous différents les uns des autres. Sans compter la distinction entre fonctionnaires, officiers, fantassins et archers. Y compris les chevaux.

Malheureusement, les couleurs vives en surface ont rapidement disparu dès l’excavation. Vous pourrez toutefois voir des pigments rouges (photo) sur l’arbalétrier agenouillé (cage transparente). Tous les autres personnages sont visibles de très près sans aucune entrave vitrée. Ce qui n’est pas le cas dans les musées en Chine. Aussi, plus près des yeux que dans le vaste hangar muséal de Xi’an.

Évitez les embouteillages! Je conseille de choisir une journée de semaine (fermé le lundi) plutôt qu’en fin de semaine. Surpeuplé aussi le mercredi après 17 heures à cause du prix réduit. Interdit de photographier. Prévoir trois bonnes heures pour tout voir et en jouir. Le petit livre rouge de l’archéologue CHEN Shen (seulement 5 $, à la boutique) mérite d’être parcouru avant ou pendant la visite. Sinon l’audioguide. Les documentaires, tous très courts, fournissent de bonnes pauses. (Banquettes disponibles pour reposer votre dos.) Remarquez l’enthousiasme vraiment juvénile du prof. Robin Yates, grand sinologue de l’Université McGill. (Pour mieux recharger la batterie mentale, café et repas légers à la cafétéria.)

Troisième du genre au Québec

Rappel historique dont je garde un souvenir inoubliable -- coup de maître de Jean Drapeau -- Montréal a accueilli les premiers chefs d’œuvre de terre cuite en 1986 au Palais de la civilisation. Officier, guerriers et chevaux. À l’époque du maire Jean-Paul L’Allier, cinq guerriers de l’empereur Qin ont déjà été exposés au Musée de la civilisation de Québec pendant neuf mois (2001-02). Total de 130 artefacts. Sans archer à genoux ni de cheval toutefois (au grand regret de Robin Yates). Sans catalogue non plus.

Avec l’arrivée au MBAM de madame Laura Vigo au poste de conservatrice de l’art asiatique, on peut s’attendre à d’autres manifestations culturelles sur la même région. (Nos modestes collections asiatiques sont mal connues). La jeune archéologue, polyglotte, docteure du London School of Oriental and  African Studies, est familière avec les grands musées. Elle a notamment enquêté sur les missionnaires salésiens en Inde. En entrevue avec LusoPresse, la nouvelle conservatrice, qui a déjà donné moult et moult entrevues, se montre enthousiaste et rieuse. (Après deux heures de conversation, nous rêvons d’aller voir, un de ces jours, les authentiques bronzes d’André Desmarais chez Power Corp.) Saluons au passage les sinologues italiens comme Laura Vigo qui, comme les Portugais, nous ont permis d’approcher l’univers chinois.

Non moins fervente ni moins loquace, l’attachée de presse Catherine Guex insiste sur la magnifique présentation de l’exposition qui en a surpris plusieurs. Le Cirque du soleil y a travaillé. Vous verrez que des rangées de statuettes (photo) et ailleurs des animaux dans des cages multiformes font un bel effet. L’éclairage tamisé rehausse la valeur de la statuaire. Une salle consacrée à l’art de l’arbalète brille par la couleur. Les grands miroirs sont stratégiquement placés.

Un empereur peut en cacher d’autres

«Le MBAM vous montre beaucoup plus que la dynastie Qin.» (Autre bonne raison de jouer au navigateur sur la grande toile avant d’attaquer. L’information y est abondante.) Sur une douzaine de salles, les quatre premières couvrent des dynasties précédant l’empereur mégalomane. Mes coups de cœur? Les deux bronzes de la salle d’entrée. Admirer avec lenteur. D’autres bronzes plus petits, dont une délicate cloche et des vases à vin, complètent la série avec bonheur. Deux figurines miniatures de cavaliers. Le disque de jade (bi en chinois) témoigne du grand amour des Chinois pour ce noble matériaux.

Après les trois salles Qin, place à l’après-Qin, c’est-à-dire les réalisations des Fils du ciel de la dynastie Han. Moins connues! L’empereur rebelle Gaozu s’entoure d’une armée de fantassins et de cavaliers. De ces derniers, vous en verrez 25 en rangées disciplinées. L’empereur Jing a recours aux mêmes gardiens funéraires. Un eunuque (détails anatomiques) en terre cuite est le premier connu du genre. Dans la même salle, vous partagerez mon coup de cœur pour la danseuse, les domestiques et le sage mandarin. Et un dernier coup de chapeau à l’empereur pacifique pour la ménagerie d’une vingtaine d’animaux domestiques : chiens, moutons, porcs, coq et poule.

Enfin, après ces 240 trésors, je suis descendu au sous-sol pour visionner de l’art contemporain chinois. Rarement vu à Montréal, sauf à la galerie Art Mûr de la rue St-Hubert. Le policier en Sept cadres de Ai Weiwei (toujours emprisonné malgré un tollé international) m’a permis de voir un original du dissident, même si l’œuvre n’en révèle pas beaucoup sur cette prodigieuse machine créatrice. Par contre, j’ai eu un faible pour les photographies de l’architecte Chen Jiagang.

vendredi, mai 20, 2011

Documentaire: les réfugiés nord-coréens en Chine

Jim Butterworth et l'univers (censuré) des Nord-Coréens
La Corée du Nord m’a toujours mystifié. J’avais un professeur à McGill, Sam Noumoff, qui demeure toujours un fidèle défenseur du régime. Le sort des réfugiés nord-coréens en Chine populaire me mystifie aussi. J’ai visité il y a longtemps une famille coréenne dans la province chinoise du Jilin.

Un soir, à CBC/Radio-Canada, j’aperçois un certain Jim Butterworth en train de parler de ce pays hermétique. Avec le nom «Denver» à l’écran.

«Je suis superoccupé. En plein montage. Sous pression», me répond Jim Butterworth de Boulder, au Colorado. Je me trouve à Denver et j’insiste pour le rencontrer «pas plus de 60 minutes. Promis!» Une journaliste coréenne de Denver, KIM Myung Oak, qui n’a jamais entendu parler de lui ni de son documentaire est très intéressée venir le rencontrer avec moi.

Quelques jours plus tard, au très chic hôtel St. Julien, rue Walnut, Jim Butterworth fait son apparition. Pas rasé, casquette de baseball, chemise rose à carreaux, il enlève ses lunettes soleil et se met à table avec le sourire.

Le film a marqué son homme

Bien que toute son histoire du tournage d’un excellent documentaire ait commencé en 2003, il la raconte comme si c’était la veille. Pas de trous de mémoire. Le triste problème l’a visiblement marqué. Réalisant qu’il parle à deux personnes qui connaissent le sujet, il va encore plus dans les détails.

«En 2003, je vais à une conférence d’un gars du New York Times, Timothy Brook, sur les Nord-Coréens se trouvant au pays de Mao. Je lui dis qu’il va certainement en faire un bon papier. Il répond par la négative. Le New York Times ne prêche-t-l pas par la devise All the news fit to print? Étonné et déçu, le natif de la Caroline du Nord décide de filmer sur cette tragédie sans trop savoir dans quelle jonque il s’embarque. (En 1998, Brook a écrit Quelling the People sur le massacre de la place Tiananmen)

Jim contacte une personne ressource en Corée du Sud qui se démarque par son mutisme total. Au téléphone, il jette sèchement : «Ne m’écrivez plus! Ne téléphonez plus jamais! Clic du combiné.» Quelque temps plus tard, le récalcitrant change d’idée et il deviendra l’excellent «fixer», le principal organisateur du documentariste expérimenté. Très bon interprète. Les deux hommes se rencontrent à Inchon (ville du célèbre débarquement du général Macarthur de 1950).

Il y a longtemps que j’ai vu son Seoul Train (2004), trop longtemps pour en demander des détails. Pas d’enregistrement maison. Je laisse notre invité (qui refuse de boire la moindre goutte de café) poursuivre sa narration animée. Kim Myung Oak boit ses paroles et moi aussi. Le gars nous parle comme à de vieux amis. «Vous allez écrire sur ça?»

Le tournage s’est fait avec une petite Sony numérique afin de ne pas alerter la police de la province du Jilin et de la ville de Shenyang. Les organisations bouddhistes et les Églises collaborent à l’«underground railway», la filière des passeurs. Tout en distribuant leurs bibles pour ces derniers.

Des femmes à risques

Les Nord-Coréens sont classés simples migrants économiques. Ce statut précaire les prive de beaucoup de protection. Une simple dénonciation de la part d’un Chinois risque de les envoyer de l’autre côté du Yalu dans un camp de concentration de Kim Jong-il -- si ce n’est la peine capitale. Les nombreuses femmes sont les plus vulnérables. Les plus jeunes deviennent les enfants de la rue comme on en voit dans les pays les plus pauvres. Jim ne sait pas combien ils sont en tout dans la terre chinoise. Les estimations varient de 200 000 à 300 000 fugitifs.

Le directeur de Naked Edge Films (au CV impressionnant, y compris un MBA) rappelle toutefois des cas heureux où, par exemple, une Nord-Coréenne est mariée avec un Chinois qui fait preuve de beaucoup de générosité avec les enfants. Il faut voir Seoul Train pour mieux comprendre les bons et les mauvais cas. Je n’insiste pas ici. (Plutôt voir : www.seoultrain.com)

Une fois sortis du paradis du «Dirigeant bien-aimé», où aboutissent ses infidèles sujets? En Asie du Sud-est ou en transit en Mongolie pour aboutir en petit nombre vers la Corée du Sud où ils se retrouvent comme de simples «étrangers» à cause d’une culture totalement différente, y compris la langue. Le choc culturel! Ils y seraient 20 000. Et pour Jim Butterworth et sa collègue Lisa Sleeth (présente à Boulder aussi, mais débordée de travail), une fois les images tournées, comment les faire sortir en douce de Chine?

Sur ce point, entre journalistes, nous sympathisons facilement. Kim Myung Oak a été reporter au défunt Rocky Mountain News jusqu’à sa fermeture définitive le 27 février 2009. Par déformation, Myung garde un bon esprit critique sur tout. Elle aimerait bien faire du travail social pour aider ses compatriotes du Nord aux Etats-Unis, mais ils sont là en nombre infime. Pas une job à plein temps. Son occupation à plein temps ce sont plutôt ses trois magnifiques enfants qui nous accompagnent sagement en voiture vers la charmante agglomération montagneuse de Boulder. Le père a été journaliste dans les meilleures publications et il se spécialise maintenant dans des questions d’énergie et d’environnement. Un crac! Nous cassons la croute tous ensemble dans son bureau situé non loin du célèbre pavillon de thé Dushanbe (Tadjikistan).

Des réticences de la télé

L’autre partie de l’histoire de Seoul Train m’étonne beaucoup. Son docu. De 55 minutes connaît un vif succès. Diffusé dans tous les meilleurs festivals. Plusieurs prix. Traduit en 20 langues. Nicholas Kristoff du New York Times et Anderson Cooper de CNN l’ont interviewé. «Le patron de la NBC, rien de moins, est venu à une projection et il m’a dit qu’il a trouvé le film poignant (powerful). J’ai donc enchaîné en lui demandant s’il allait le diffuser sur son réseau. Non, m’a-t-il répondu : sujet trop délicat!»

Pourquoi tant de réticence vis-à-vis d’un État sans réticence? JB n’élabore pas beaucoup. Le State Department veut-il ménager la chèvre et le kimchi en Chine populaire ou en Corée du Nord? Que fait le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés dans ce dossier -- «dont 60% des fonds sont américains»? Les accords de 1967 et de 1993? Bizarre!

J’avais promis à JB de le «libérer au bout de seulement 60 minutes». Nous sommes encore à table après 90 minutes. Il a certainement oublié l’heure et son montage. A-t-il la gorge sèche? «Vous avez déjà une photo de moi prise à l’écran de télé? C’est la bonne.» Et il sort du St. Julien d’un pas alerte.

vendredi, mai 13, 2011

Wah Wing CHAN: artiste montréalais de Macao

Wah Wing CHAN, Tom Wilder, Elizabeth Barbosa

Une petite salle insonorisée chez des artisans luthiers de la rue Rachel à Montréal. Au premier contact, Wah Wing Chan Chen Yong 陈华永)fait un peu timide. Réservé comme un Asiatique. Modeste même : pas de cartes d’affaires pour mousser sa carrière. Ses cheveux courts en brosse le rajeunissent. Moustache et poils au menton. Cinquantenaire, monsieur Chan paraît avoir 15 ans de moins. À côté de lui, arborant un grand sourire, une jeune femme dont les traits font nettement portugais. Montréalaise de naissance. Le verbe plus facile. Mais les deux personnes parlent le même langage : l’amour des arts.

Wah Wing Chan naît sur la rue San Ceng Lou (三层楼下街), dans le fascinant district historique de Ha Wan (Xiahuan 下环), à Macao. Maintenant, sans doute la rua do Barão, dans la paroisse de São Lourenço, non loin de la magnifique Pousada de São Tiago et du célèbre temble d’A-Ma. En 1972, ses parents décident de venir transplanter la famille de six à Montréal alors que le garçon n’est âgé que de 12 ans -- trop jeune pour emmagasiner beaucoup de souvenirs précis sur le placide comptoir portugais d’alors. En arrivant ici à l’école, la barrière de la langue le porte à dessiner plutôt qu’à parler avec les autres élèves. Personne  dans la famille ne le pousse vers le dessin, mais il garde en lui le souvenir de la calligraphie telle qu’apprise à Macao.

Pour cultiver ses talents, Wah Wing Chan s’initiera à la gravure au Collège John Abbot, puis il s’inscrira à l’Université Concordia pour non pas un seul, mais bien deux diplômes. En 1992, le premier baccalauréat en arts visuels (studio art) lui donne sa formation de base avec, entre autres, photographie et sculpture. Par la suite, en 1996, le B. A. en gravure (print making) le conduit à sa spécialisation actuelle.

Elle parle portugais à son fils

LusoPresse a interviewé Wah Wing Chan en plein quartier portugais. Sur Macao, il faut qu’il interroge ses parents pour en parler un tant soit peu. Il n’est retourné en Chine qu’en 1998. Mais pour sa dernière exposition, il a une arme secrète… portugaise nommée Elizabeth Dos Santos Barbosa. La directrice de la galerie Wilder & Davis est la fille d’immigrants portugais arrivés ici avec la toute première vague. Le père du village de Nogueira en 1957. La mère de Oleiros cinq and plus tard. Deux endroits situés près de Ponte de Barca.

Elizabeth Barbosa a aussi étudié à Concordia et reçu son B. A. en histoire de l’art sans toutefois y rencontrer celui qui se fait appeler Wing (Éternel) par les amis. Au sujet de la communauté portugaise, Elizabeth avoue ne pas être tellement branchée. Plus jeune, elle est toutefois allée régulièrement dans le Minho de ses parents. Voilà pourquoi elle parle très bien portugais. C’est la langue qu’elle parle avec son fils de 5 ans. Le papa est originaire de Lyon.

L’exposition d’une vingtaine de gravures format moyen de Wing a lieu dans les locaux du luthier Wilder & Davis (voisin de l’église Saint-Jean Baptiste). Vieil édifice chaleureux avec de hauts plafonds. Les nombreux violons exposés dans des cabinets vitrés me font penser au film Le Violon rouge de François Girard. En 1999, l’ex-Torontois Tom Wilder a laissé savoir à Elizabeth qu’elle pouvait y exposer des tableaux et c’est ainsi qu’elle est devenue directrice de la galerie du même nom. Tout à fait bénévole.  «J’ai toujours été attirée par les arts. Mes meilleurs amis sont un crayon et du papier», lance-t-elle en souriant.

Arts visuels et musique

L’éternel Wing m’explique qu’il pratique aussi son métier à l’Atelier Circulaire de la rue Gaspé à Montréal, dans le Mile-End (où il habite). Il a déjà des œuvres dans divers pays : Nouvelle-Zélande, Corée du Sud, Chine, Norvège, Pérou et États-Unis. Les créateurs qui l’influencent et qu’il aime? Les Américains Jackson Pollock et Sam Francis ainsi que la Suissesse Francine Simonin, établie au Québec depuis 1968.

«Je veux aller de l’avant et rejoindre un plus grand public», poursuit Wing. Il a un correspondant à Lisbonne pour un projet à l’étude. Comment caractériser ses tableaux noirs faits d’acrylique liquide sur du fin papier japonais washi? «Je suis attiré par l’abstrait. Je peins avec des pinceaux chinois.» Il y «expérimente une technique de son invention» et le produit fini devient «une forme… parfois proche de la calligraphie».

Intitulée «Noir sur noir», l’exposition du 257 Rachel Ouest est ouverte au public jusqu’au 8 juillet. Pour une image papier de bonne qualité d’un tableau de Wah Wing Chan, voyez la page 57 du dernier numéro de la revue La Scena Musicale. Cette excellente revue  a été cofondée (avec Philip Anson) par son frère Wah Keung Chan qui en est resté rédacteur en chef. Autre belle rencontre des arts visuels et de la musique. Sur l’exposition : www.galeriewilderdavis.wordpress.com

mercredi, mai 11, 2011

À Montréal: Zhao Jiangping, Consule de Chine

Louise Harel avec la Consule ZHAO Jiangping à l'Hôtel de ville.




Au cours d’une réception offerte le 9 mai à l’Hôtel de Ville en honneur de ceux qui ont travaillé au succès de l’Espace de Montréal à l’Expo de Shanghai, ce fut l’occasion de revoir plusieurs amis, dont les fonctionnaires de la ville qui s’occupent des relations internationales. Pour ne citer que quelques noms, Jacques Besner, Louis Dussault, Guy Nolin, Jacques Renaud et Martin Séguin.

Le clou de la réception : le maire Gérald Tremblay nous a présenté la toute première Consule de la République populaire de Chine à Montréal. Madame ZHAO Jiangping (赵江平parle très bien français», tel que souligné par le maire. La diplomate a prononcé quelques mots dans la langue de Molière au début de sa brève allocution. Parmi plusieurs dignitaires, elle était debout à côté de madame Louise Harel. Difficile d’en dire plus long après notre bref échange de cartes professionnelles.

Il y a plus d’un an que nous attendions cette nouvelle. Un diplomate de l’ambassade de Chine à Ottawa m’avait confié que le consulat devait ouvrir ses portes en mai 2010. En fait, l’attente a été beaucoup plus longue. Le maire Tremblay a parlé du 26e anniversaire du jumelage Montréal-Shanghai. En fait, tout a commencé le 14 mai 1985 lors de la rencontre du maire Jean Drapeau avec son homologue Wang Daohan. (Je reviendrai plus tard sur cette rencontre historique que j’ai couverte pour La Presse à l’époque.)

Le lendemain, madame Zhao s’est rendue à Québec pour une rencontre avec le Premier ministre Jean Charest. Photo à l’appui. Le ministère des Relations internationales en a profité pour publier quelques chiffres. «La Chine est la 5e destination en importance pour les exportations du Québec. Les exportations y sont passées de 328 millions $ en 2000 à 1127 millions $ en 2009, soit un taux de croissance annuel moyen de 14,7 %.

Admettons quand même que l’ouverture de ce consulat arrive vraiment très tard. Dans le passé, nous avons accumulé un capital de sympathie extraordinaire en Chine avec plusieurs faits concrets. Les sacrifices du docteur Norman Bethune qui est bel et bien parti de Montréal pour aller joindre les forces anti-japonaises en territoire chinois. Le rôle déterminant de Québécois comme Pierre Trudeau et Jean Chrétien dans les relations canado-chinoises. Le dynamisme de la famille Desmarais (Power Corp.) dans le secteur économique.

Sans oublier le maire «quasiment chinois» Pierre Bourque avec son Jardin de Chine et ses innombrables voyages. Il me disait en entrevue l’an passé: «Le Canada a été un des derniers pays à être désigné destination approuvée en matière de tourisme.» Pourquoi ce retard?

Au point de vue commercial, le Québec et le Canada achètent beaucoup plus de la Chine que ce pays achète de nous.

La prochaine étape? Le maire Tremblay déclare de façon très directe souhaiter voir l’établissement d’une liaison aérienne directe entre Montréal et Pékin ou Shanghai. Il en a discuté sur place à son dernier périple en Chine. Le 12 mai 2010, mon ami Martin Jolicoeur a parlé de «avant longtemps» dans un article dans le journal Les Affaires.

La patience est une vertu!

Mais soyons positifs! Chaleureuse bienvenue à Montréal, madame Zhao!

mercredi, mai 04, 2011

Le pavillon de Taiwan à l'Expo '67 et ma vocation

Ma passion pour la Chine dès 1967, année de l'Expo. à Montréal

En fouillant dans mes (nombreux) vieux papiers, j’ai retrouvé cette carte postale du pavillon de la République de Chine à l’Exposition universelle de 1967 à Montréal. La République de Chine (RdC) c’est le gouvernement de Taiwan qui, à l’époque, était le seul représentant de la grande Chine -- même s’il ne contrôlait que l’ile nationaliste.

Pour moi, cette image (plus haut) représente avant tout l’année où j’ai pris la décision ferme de me lancer dans l’étude de la Chine. Un peu comme une vocation. Sorte de conversion culturelle.

Mais ce n’est pas le fait d’avoir travaillé comme guide à «Terre des Hommes» qui m’a fait me passionner pour ce pays. Ce ne sont pas les visites répétées et assidues que j’effectuais avec des VIP dans les meilleurs pavillons nationaux de l’Expo qui ont attisé ma curiosité orientale. En 1967, il y avait déjà quelques années que j’avais découvert la langue espagnole et le Mexique. L’Allemagne et sa langue. En plus de tous les pays de la Méditerranée du côté du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord. Mes voyages d’étudiant dans ces contrées m’ont tout simplement amené à rechercher encore plus d’exotisme. Et le pays le plus exotique des années ’60 c’était sans le moindre doute le pays de Mao.

Chine : autre planète

Pourquoi? En peine guerre froide, la «Chine rouge» était un espace complètement à part. C’était au plus fort de la guerre du Vietnam. Pays ennemi! La Chine continentale (autre appellation pour ne pas dire communiste) souffrait du blocus américain et ne faisait pas encore partie des Nations unies. Et comme pour ajouter l’hirsute à la culture, cette population en bleu de chauffe égalitaire voguait en pleine Révolution culturelle. Les Gardes rouges étaient-ils tombés sur la tête avec leur petit livre rouge? Bref, la Chine c’était la planète Mars à n’y rien comprendre.

Les années ’60 ce fut bien sûr mai ’68 à Paris et Berkeley en ébullition de gauche en Californie. Au département de Science politique de l’Université Laval où j’étudiais avec Léon Dion (père du très libéral Stéphane Dion), Gérard Bergeron, André Patry et Vincent Lemieux, les idées socialistes nous rejoignaient. La guerre d’Algérie et son indépendance nous ont d’abord fascinés. Les écrits des éditions François Maspéro (1959-1982) comme ceux de Frantz Fanon, Ho Chi Minh, Charles Bettelheim et Régis Debray nous faisaient réfléchir. Les livres du «commerçant permanent de la révolution» qu’était Maspéro avaient le mérite de nous présenter un angle très différent sur la politique internationale.

J’insiste ici sur un point. Je n’ai jamais été «maoïste» ni membre de mouvements de gauche de salon. Certain que j’ai lu les opuscules du Grand timonier. J’ai été le premier à importer du Quartier chinois de Manhattan les premières copies du petit livre rouge pour mes confrères de Laval, mais c’était plutôt un objet de curiosité. Exotique!

Ce que j’admirais beaucoup chez les Chinois? D’après les témoignages de ceux qui en arrivaient, la volonté populaire de développer le pays en innovant avec des recettes authentiquement chinoises. Sans copier servilement le modèle soviétique. Je méditais sur cette anecdote racontant  que des travailleurs courageux disaient «vouloir construire un grand pont avec du bambou. C’est tout ce qu’on possède et c’est ce qu’on sait faire même si ça ne s’est jamais fait.»

China Airlines au féminin

Pour revenir à notre pavillon de la RdC, je me souviens être allé parler à des hôtes et des hôtesses pour leur manifester mon engouement pour tout ce qui était chinois. Il y avait une immense murale du lac du Soleil et de la lune, grande attraction touristique formosane. Les élégantes demoiselles étaient des hôtesses de l’air de la China Airlines. Beaucoup plus tard, j’ai appris que Cynthia Lam, directrice du Service à la Famille chinoise faisait d’abord partie de ce contingent d’élite. La mère du chef Felix Turianskyj du chic hôtel Opus (Sherbrooke et St-Laurent) a aussi décidé de rester à Montréal après l’Expo ’67. Sauf erreur de ma part, Mme Hazel Mah du chic restaurant Piment Rouge (hôtel Windsor) travaillait aussi au pavillon de Taiwan.

Par la suite, après avoir complété mes années heureuses de Science Po à Québec, je me suis inscrit à McGill. Même discipline, mais pour une maîtrise avec concentration sur la Chine. L’Université du centre-ville se lançait en pionnier dans les études de cette vieille civilisation. L’âme dirigeante était le professeur Paul T. K. Lin avec Sam Noumoff (marxiste notoire) comme bras droit. J’ai donc commencé à y étudier la langue chinoise. La toute première classe de mandarin au Québec avec des profs taiwanais comme la dynamique pédagogue (expérimentée) Peggy Wang, la jeune Jenny Chang et un Sino-Américain (que nous avons contesté à cause de sa méthode basée sur la romanisation plutôt que les caractères).

Voilà ceux qui nous ont inculqué le ni hao ma? dans la grande enveloppe de la culture chinoise. J’en garde un excellent souvenir. Puis, en 1970, le Premier ministre Pierre Trudeau a fait un pied de nez au State Department en reconnaissant la Chine populaire. La Chine devenait moins exotique. Plus officielle et diplomatique. Une page d’histoire était tournée. Peu de temps après avoir reçu le feu vert pour mon mémoire de maîtrise, je suis parti pour deux ans à Hong Kong. Et ça, c’est une autre histoire!