lundi, décembre 27, 2010

LEGACY de Michael Wood: un des meilleurs documentaires sur la Chine en tant que civilisation

Dans la série de six parties sur les grandes civilisations, je viens de revoir avec grand plaisir (sur écran de 55 pouces d'un téléviseur Sony de plus de 5 000 $) les 51 minutes consacrées à la civilisation chinoise. Pas haute définition, parce que datant d'une dizaine d'années, mais le contenu vaut son pesant d'or! LEGACY, un des meilleurs, sinon le meilleur documentaire sur le sujet. Dans la version dvd (athenalearning.com), les sous-titres sont très utiles pour mieux suivre les commentaires de l'historien Michael Wood. Ce Britannique a l'avantage d'être dynamique, vivant et convaincant. Presque amical!

Les magnifiques images nous transportent à Pékin, Anyang, Xian, Kaifeng, Suzhou et Quanzhou pour une vue d'ensemble du pays. Michael Wood tente d'illustrer à sa façon le principe du «Mandat du ciel». Il fait appel à Confucius et à sa recherche de la société juste, stable et morale fondée sur le respect mutuel et la confiance. Un autre philosophe, Lao Zi, recherche l'harmonie avec la nature. Le Bouddhisme introduit le concept de la vie intérieure à partir de 79 000 manuscrits transportés par un moine itinérant.

Plusieurs sujets abordés

Pas un film expliquant seulement les trois grandes philosophies, mais des éléments visuels rappelant l'exploration du grand navigateur Zheng He qui se rendit notamment à Cochin (au Kerala actuel en Inde) longtemps avant le Portugais Vasco de Gama. Michael Wood, en bon vulgarisateur nous fait aussi entrer avec lui dans une pharmacie de Pékin pour faire comprendre l'écriture des milliers de caractères millénaires. Des sujets aussi terre à terre que la cuisine sont aussi abordés avec l'animateur assis à une table de restaurant et parlant de poésie de Li Bai. La route de la Soie a aussi sa place pour expliquer les relations suivies de l'empire chinois avec les autres grandes cultures.

J'aime bien les commentaires de l'historien d'Oxford sur la guerre de l'Opium condamnant la Grande-Bretagne pour son trafic honteux de la drogue aux dépens de la population chinoise. Il ose avancer un parallèle moderne avec la Colombie et les États-Unis pour montrer le caractère diabolique de cette entreprise. Il dira dans une autre partie de la série que les Occidentaux ont représenté la civilisation la plus agressive. Je recommande fortement ce document visuel à tous ceux qui désirent commencer à «comprendre» la Chine. Plaisir des yeux et plaisir de l'esprit!



jeudi, décembre 23, 2010

Le chinois, la 5e langue enseignée aux États-Unis, selon une vaste enquête récemment publiée












Je suis actuellement en voyage au Texas pour Noël 2010 et je trouve un article très intéressant dans le Dallas Morning News. Depuis 1958, la Modern Language Association of America (MLA) examine de près quelles langues autres que l’anglais sont enseignées aux Etats-Unis. L’espagnol, le français et l’allemand demeurent les trois langues les plus populaires. Le langage des signes occupe la 4e place. L’italien, le japonais et le chinois forment le groupe suivant. L’arabe est monté de peu vers la 8e place. Le portugais occupe une place confortable.

Comme je le constate tous les jours ici à Austin ainsi qu’ailleurs à San Antonio et Houston, l’espagnol occupe une place prépondérante dans la vie quotidienne. Pas moins de 34 millions de personnes parlent cette langue chez l’oncle Sam, y compris 3,5 millions de non-Latinos, ce qui fait des Usa un pays de taille dans cette langue. Étonnant!

L’espagnol compte 850 000 étudiants, soit de loin la part du lion. C’est quatre fois plus que le français avec 210 000 étudiants, un chiffre quand même réconfortant pour les promoteurs de la francophonie. L’allemand suit de très près avec 198 000 étudiants.

61 00 étudiants en chinois

Dans un autre article de mon blog, je rapportais que le chinois est aussi la 5e langue étrangère enseignée en France. Aux Etats-Unis, ils sont 61 000 à piocher en mandarin sur les milliers de caractères. À noter que la langue chinoise y a fait un bond popularité de 18% en 2009, soit un des pourcentages les plus élevés de la série (contre 46% en arabe). Il y a 30 ans, seulement 1 844 élèves s’adonnaient à la langue de Confucius. Dix ans plus tard, en 1990, ils étaient presque 20 000. En 1998, le groupe de sinophiles passait à 28 000. Donc de grands bonds récents montrant que les jeunes Américains s’ouvrent à la culture du pays le plus peuplé au monde.

Soit dit en passant, le portugais enregistre aussi un progrès notable avec un bond de 11%. Ils étaient 4 894 à l’étudier en 1980 et selon la MLA, ils sont maintenant 11 371 à s’y intéresser. En excluant le langage des signes et les langues mortes comme le latin, le portugais occupe la 9e position parmi les langues les plus enseignées. Un nombre relativement encourageant pour la Lusophonie.

Facebook en Chine

Pour plus de détails, il faut consulter les tableaux du dernier rapport d’une quarantaine de pages de la MLA (www.mla.org) dont les méthodes et la minutie méritent le respect. En automne dernier, 2 514 sur 2 802 institutions d’enseignement de niveau postsecondaire (comprenant colleges et universités) ont participé à l’enquête et le recensement de 2000 a aussi été pris en considération.

Ces données nous parviennent au moment où le jeune fondateur de Facebook se trouve en mission d’exploration en Chine populaire (mais officiellement «en vacances» seulement). On sait que Mark Zuckerberg étudie actuellement le mandarin à raison d’une heure par jour, sans aucun doute avec l’encouragement de sa copine chinoise Priscilla Chan. Le populaire personnage (550 à 600 millions d’adeptes) suscite de nombreuses spéculations sur l’influence qu’il pourrait avoir sur les 420 millions d’internautes chinois. Facebook est déjà disponible en 70 langues, y compris le chinois mais sans beaucoup d’adeptes dans ce cas. Voit-il rouge? L’expérience de Google? Censure gouvernementale?

Le sujet des langues dans tous les pays suscite intérêt, surveillance et même passion. Par exemple, le gouvernement de Pékin vient d’émettre une directive limitant l’usage de mots anglais dans ses publications, rapporte la toile d’Aujourd’hui la Chine. C'est en tout cas ce que pensent les législateurs chinois, qui viennent de prendre une nouvelle mesure pour protéger la langue nationale, dénaturée, selon eux, par l'utilisation courante de termes anglophones dans la presse. Selon l'Administration Générale de la Presse et des Publications, à l'origine de la loi, l'usage fréquent de mots anglais et d'abréviations dans les textes en mandarin ont créé de la confusion, et représentent des «abus de langage». La langue chinoise est-elle menacée de perdre sa pureté?

Enfin, pour compléter ces résultats sur le statut du chinois en France et aux Etats-Unis, j’aimerais bien en savoir autant pour le Canada et le Québec. À l’aide!

mercredi, décembre 08, 2010

Joe Wong, humoriste plus américano que sino (malgré le patronyme): à découvrir!


Le dénommé Joe Wong est arrivé aux États-Unis à l’âge de 24 ans et le jeune studieux s’est mérité un doctorat en biochimie à l’Université Rice (Houston), ce qui était plus que suffisant pour assurer son avenir. Après avoir déménagé du Texas au Massachusetts, le diplômé a suivi un simple cours d’adulte en stand-up, soit bien peu pour réorienter sa carrière. Son anglais n’était pas époustouflant, mais l’envie de faire libérer les endorphines continua de motiver le jeune scientiste -- autrement occupé à lutter contre le cancer.

De scientifique à comique

Joe Wong avoue avoir mis sept ans et demi à polir les plâtres avant de faire une simple apparition de cinq minutes au Late Show de David Letterman. C’est un succès immédiat : ce tremplin médiatique le lance dans une tournée de quelques villes. La vidéo de sa prestation montre un immigrant chinois s’accrochant à son texte malgré un accent tenace. Son physique le fait paraître dans la vingtaine (la moitié de son âge) et son allure de jeune débutant inoffensif sur la scène le rend sympathique. Une bonne dose de dérision. Le regard d’un nouvel arrivant sur l’American way of life.

Pour bien saisir le personnage, le scientifique devenu comique, vaut mieux visionner sa prestation -- beaucoup plus substantielle -- au chic banquet annuel de la Radio and Television Correspondents’ Association (RTCA). Devant un auditoire qui en a vu bien d’autres en matière de divertissements, l’étonnant docteur Wong manie avec brio l’art de la réplique. De l’avis des observateurs, un humour plutôt cérébral supposant un certain quotient intellectuel chez les intéressés -- familiers avec la culture de l’Oncle Sam. Des blagues à retardement. Des pauses calculées. Joe Wong peut aussi compter sur l’effet de surprise : les humoristes chinois carburant à la sauce américaine sont si peu nombreux. Chose certaine, visiblement, le vice-président Joe Biden (conférencier invité) et les autres convives s’amusent ferme. Bonne chimie!

Pas compris en Chine

Plus sûr de lui, bougeant mieux, demi-sourire aux lèvres, Joe Wong enfile les gags comme des perles. Réchauffement climatique, mariage, Benjamin Franklin, le réseau PBS et Twitter. Il encourage le bilinguisme chez son fils (né en sol américain) s’il veut plus tard accéder à la Maison-Blanche : l’anglais pour signer les textes de lois et les chinois pour parler au percepteur d’impôts -- allusion directe à la dette nationale contractée envers la Chine. Il rapporte avoir eu incrustés sur le pare-choc de sa voiture d’occasion plusieurs autocollants dont un menaçait: «Si vous ne parlez pas l’anglais, retournez chez vous.» À son insu. Il lui a fallu deux ans pour s’en rendre compte. Chaque fois qu’il cible un point négatif de son pays d’adoption, il contrebalance aussitôt avec un positif.

Notre homme dont le vrai nom est Huang Xi (littéralement : Jaune Ouest), originaire du Nord-Est, intrigue ses propres compatriotes de l’autre côté du Pacifique, incapables de comprendre son humour 150 % étatsunien. Des blogueurs chinois se sont donnés pour tâche d’expliquer et d’interpréter le contexte. Un show donné au théâtre Haidian de Pékin n’a pas été une grande réussite, selon l’avis même de l’humoriste Ding Guangquan. Pour sa part, dans son Jilin lointain, le père de Huang Xi, ingénieur à la retraite, souligne bien le yin et le yang du biochimiste montant sur les planches: «C’est comme une poule noire qui pond un œuf blanc.» Exactement comme la mère de Woody Allen estimant qu’il aurait été plus heureux s’il était devenu devenu pharmacien.

samedi, décembre 04, 2010

«Pas facile le travail en groupe chez les Chinois», selon le journaliste Zhao Jian

Il y a une dizaine d’années, lorsque mon ami Zhao Jian a lancé son tout nouveau hebdomadaire, j’allais souvent à l’imprimerie en pleine nuit pour tenter de l’aider dans sa communication avec les ouvriers de la compagnie près de chez moi. Un jour, je lui ai dit qu’il était le patron et qu’il devait vite former une bonne équipe et «déléguer» pour bien gérer Sino-Québec. «Non, me répondit-il, les Chinois ne sont pas capables de travailler en groupe. Très difficile.» Sa réponse m’est restée à l’esprit et m’a longtemps intrigué.

L’autre soir, autre décennie, je l’ai invité à me rencontrer pour en discuter. Une rare rencontre entre nous. Nous devrions nous voir plus régulièrement. Son explication commence par un proverbe : «les Chinois sont contents et satisfaits quand ils ont une terre, une femme et un fils». Rien de plus! Ainsi, selon lui, dans un pays de tradition agricole, il n’y a pas cette habitude de travailler en groupe – contrairement aux pays industrialisés où il y a des chaînes de montage.

Des associés se séparent

Zhao Jian ajoute une anecdote personnelle qui l’a visiblement marqué. «Avant de venir à Montréal, j’ai ouvert une compagnie avec trois confrères d’université dans le secteurs des affiches électroniques. Nous avions un bon chiffre d’affaires et c’était prospère. Mais nous n’avions pas établi les règles du jeu au départ. Quand est venu le temps de partager des profits, chacun disait qu’il avait travaillé et contribué plus que les autres. On a dû se séparer. Finie la compagnie!»

Mon objection : les Occidentaux ont nettement l’impression que le groupe prédomine sur l’individu en Chine et dans les pays voisins comme le Japon? Oui, les Japonais sont unis comme nation. C’est d’ailleurs ce qui fait peur aux Chinois, militairement parlant -- cette unité. Les Japonais peuvent fonctionner en groupes. Les Américains ne sont pas unis du tout entre eux. Les Canadiens non plus.

Mais est-ce que tant d’années de communisme n’ont pas forcé les Chinois à travailler en groupes, en unité de travail (danwei) plutôt qu’individuellement? Ici, la réponse de Zhao Jian est directe et simple : «Le communisme est un échec en Chine!» En d’autres termes, rien de changé à la tradition! Marx n’est pas soluble dans le thé!

Qui est plus individualiste?

Le fondateur du journal va encore plus loin en affirmant que les Chinois sont «très individualistes». Affirmation pour le moins étonnante de sa part, car ce sont bel et bien les Occidentaux qui sont perçus comme individualistes : la philosophie grecque (comme l’explique Richard E. Nisbett dans The Geography of Thought -- 2003), la Révolution française, les droits de la personne, etc.

Et pourtant, comme patron d’un hebdo depuis 2001, mon ami doit bien avoir une équipe sous ses ordres pour faire fonctionner l’entreprise? «Exact», répond-il. Comment gère-t-il ces quatre-cinq personnes à temps plein pour que ça marche aussi bien? Ses principes de gestion pour le team work? «Très simple, je les paie bien. Plus que dans les autres journaux chinois montréalais.»

Pendant la conversation, il invoque une autre raison déterminante : «Avec la politique de l’enfant unique, les jeunes n’ont plus de frères ni de sœurs. Y sont pas habitués à composer avec les autres.» Ils n’ont que les parents et les quatre grands-parents pour s’occuper d’eux. Bref, selon l’expression consacrée, le petit empereur, chouchouté par six adultes,.

«Il n’y a pas de grandes compagnies en Chine, poursuit le gars originaire du Hebei. Tu peux m’en nommer?» Il y a bien Haier et Lenovo. Pour lui, les seules grandes compagnies sont des sociétés d’État. Rien de semblable à Coca Cola, par exemple. Ailleurs, à Taiwan, oui, autre type de société, il y en a de grandes compagnies comme Acer. Au Canada, il y a T & T, (fondée par une Taiwanaise), qui en mène large dans l’alimentation. (Inconnu au Québec.) Loblaws vient de l’acheter.

Un homme discret

Sinon, en Chine, très important, conclut l’entrepreneur Zhao Jian, détenteur d’un bac. En électronique, les compagnies fonctionnent sur le modèle de l’entreprise familiale. Le père tire toutes les ficelles et quand il y a transfert de pouvoir, ce sont les fils qui assurent la relève.

Zhao Jian pousse le bouchon un peu plus profond en qualifiant les Chinois de Montréal d’«égoistes». «Plusieurs ont très bien réussi ici et ont fait de l’argent, mais personne n’a daigné contribuer à la communauté ni à la société d’accueil.»

Dans Le guide du Montréal multiple, dont elle est co-auteure, Laura-Julie Perrault fait remarquer que Zhao Jian publie un journal d’une trentaine de pages avec un tirage de 10 000 copies – le tiers du chiffre du Devoir. En entrevue, il a là aussi insisté sur la division de la communauté chinoise de Montréal. Une communauté «divisée… avec 300 associations». Faut construire des «ponts» entre les différentes générations, les vieux et les nouveaux immigrants, par exemple. Je suis content que la journaliste de La Presse ait suivi mon conseil de prendre le soin de recueillir son témoignage. Dommage qu’il soit si discret!