mardi, mars 22, 2011

Chang-Rae Lee: l'auteur coréen-américain à succès rencontre un groupe de ses lecteurs à Denver

Quel plaisir que de pouvoir rencontrer en chair et en os un auteur à succès avant même de se plonger dans ses œuvres. C’est ce qui m’est arrivé à Denver lorsque j’ai pu bavarder avec Chang-Rae LEE et écouter à son exposé. Maintenant professeur de création littéraire à la prestigieuse université Princeton, il a gagné plusieurs prix dès ses premiers romans. Il y a longtemps que j’en avais entendu parler.

À la conviviale librairie Tattered Cover (une institution très locale de 30 ans au nom étrange) de la longue rue Colfax, le professeur dans la mi-quarantaine se présente à nous en tenue décontractée. Veste noire d’artiste et jeans. Grande taille. Début de cheveux gris. L’allure d’un acteur de cinéma. Par ailleurs, très accessible, poli, souriant et désireux d’échanger. Dans le sous-sol, nous ne sommes qu’une vingtaine d’intéressés à être venus écouter l’Américain d’origine coréenne. Pas de journaliste du Denver Post.

La guerre de Corée

Le professeur Lee commence par nous lire deux pages de son dernier roman que je viens juste d’acheter pour le faire autographier. Dans The Surrendered (2010), il est question d’une jeune réfugiée de 11 ans qui voyage clandestinement sur le toit d’un train en direction de Pusan. Une scène de la guerre de Corée. Son pays d’origine où il est né en 1965, trois ans avant que sa famille immigre en Amérique. Il y a là des souvenirs de ce que son père lui a raconté. «Il a voyagé sur le toit des wagons», explique-t-il en aparté. Son paternel -- toujours vivant -- n’en a toutefois pas beaucoup raconté et il a dû «inventer».

Dans son exposé, il complimente ses étudiants de Princeton avec qui il travaille dans des classes de seulement dix personnes : «très intelligents, très sérieux». Pas nécessairement de futurs écrivains. Chang-Rae Lee semble vraiment aimer son métier. «Nous sommes des écrivains de la pratique (working writers)», lance-t-il avec sa voix haute en prenant une autre gorgée d’eau minérale. De mon siège au premier rang, je note ses mains fines d’intellectuel.

À mesure que la soirée avance, nous glissons vers le sujet de son identité. Coréen-Américain? «Je ne suis coréen que de sang», affirme le résidant du New Jersey avec raison. Comment s’affirmer coréen alors qu’il a quitté l’Asie à l’âge de trois ans? Pourtant, il écrit sur thèmes reliés à ses origines. Je lui demande s’il parle coréen à ses deux filles. «Non, mon coréen n’est pas assez bon pour ça!» me réplique-t-il sur un ton de regret. Je lui parle de l’expérience multilingue dans notre famille. Quand je lui dis que ma femme parle cantonais avec nos deux filles et que mes filles ne parlent que français avec leurs enfants aux États-Unis, il acquiesce avec spontanéité. Avec force même. «Oui, parlez-leur toujours en français!»

The Native Speaker

Quelques Asiatiques font partie de la vingtaine d’admirateurs. Difficile de dire s’ils sont coréens ou non. Chang-Rae Lee leur explique qu’il n’est pas toujours compris des Américains d’origine asiatique comme lui. L’identité profonde! Voilà d’ailleurs un thème qui le fascine. C’est justement ce que j’essaie de comprendre dans le premier livre que je lis de lui. La veille, je me suis procuré son roman Native Speaker (1995) dans mon quartier de Denver. La libraire Lois (prononcer Lewis) de West Side m’en a très vite trouvé une copie d’occasion. Native Speaker c’est l’histoire de l’immigrant Henry Park, marié puis divorcé d’une Américaine appelée Lelia. Le jeune immigrant asiatique me fait penser à l’écrivain. Les parents d’Henry Park vivent la vie difficile d’immigrants commerçants. Le choc des cultures!

Trop tôt encore pour me faire une idée définitive sur l’œuvre – quatre romans en quinze ans – et de son auteur. Je procède à reculons en entrevoyant l’homme avant de le lire complètement. Bref, une affaire intéressante à suivre.

Avant de quitter la Tattered (qui fait dans le vieux avec ses planchers de bois), je pense à demander si Lee connaît le Québécois d’origine coréenne qui s’est fait, lui aussi, un nom dans la vie littéraire de son pays d’adoption. J’entrevois un parallèle entre les deux créateurs littéraires. Réponse négative. Lee n’a pas entendu parler de Ook Chung. En tout cas, c’est ce qu’il me dit. J’ai interviewé ce dernier pour La Presse en 2003. Ook Chung est né à Yokohama au Japon de parents coréens en 1963 et la famille s’est installée ensuite au Canada alors qu’il n’avait que deux ans. Je l’avais rencontré à la Petite Ardoise, rue Laurier, pour une entrevue. Faudra que je reparle à cet écrivain un de ces jours.

Voilà donc quelques modestes impressions sur un Coréen du New Jersey et un autre de Montréal quasiment du même âge. Dans ce modeste blogue, je parlerai un autre jour des réfugiés nord-coréens vivant en Chine populaire. Du point de vue du documentariste américain Jim Butterworth avec l’aide d’une Coréenne-Américaine vivant au Colorado, KIM Myung Oak, qui m’a aidé à obtenir cette autre fascinante entrevue à Boulder.

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