mardi, mars 22, 2011

Rencontre à Boulder avec le Dr Charles Pellerin : astrophysicien de la NASA à la sensibilité nippone

Non loin de Denver, dans la ville montagneuse de Boulder, j’ai eu le grand plaisir de luncher avec un «cerveau» de la NASA. Une rencontre exceptionnelle! Des plus sympathiques, en plus. Charles Pellerin (descendant d’Acadiens installés en Louisiane dont le père parlait encore notre langue) a acquis la notoriété en développant la méthode dite 4-D dans son travail pour la Nasa. Le fameux télescope spatial Hubble (voir le documentaire Imax) a été mis sur orbite malgré une erreur de fabrication grave -- due à une erreur de relations humaines. Il a été appelé à la rescousse.

Charles Pellerin a trouvé la faille et s’est rendu compte qu’il s’agissait plus exactement d’un problème de travail d’équipe (team work). Mauvaises relations et mauvaise communication chez les responsables de différentes expertises du projet très coûteux. Cette méthode constitue le sujet d’un livre et la méthode est enseignée par des formateurs un peu partout dans le monde.

Anne Choquette à Montréal

J’ai pris connaissance de cette approche en donnant moi-même une formation à une formatrice professionnelle qui s’est rendue à Pékin puis à Hong Kong pour l’enseigner. J’avais entre autres comme mandat de trouver des liens culturels entre la méthode américaine et la culture chinoise. Madame Anne Choquette s’est très bien acquittée de sa mission et je tenais à rencontrer en personne le penseur des 4-D pendant mon séjour au Colorado.

Je ne m’attache ici qu’à l’aspect interculturel de mes rapports avec Charles Pellerin. (Je n’ai pas encore revu Anne Choquette à Montréal). Quel genre d’homme? Cet astrophysicien à la retraite aurait pu parler des langues étrangères comme le français ou le japonais. Avoir une pile de cartes d’affaires bilingues dans sa poche. Ou arriver tiré à quatre épingles. Rien de ça, mais d’autres bonnes qualités.

D’abord, à cause de la neige tombant sur Boulder, d’un feu de boisé à proximité et du terrible tsunami au Japon, nous avons dû échanger moult courriels pour retarder notre rendez-vous. De sa part, toujours des réponses à la vitesse de l’éclair et une si grande courtoisie que ce fut suffisant pour casser la glace entre nous -- avant même le face à face.

Décor du Tajikistan

Pour l’occasion, j’avais choisi le salon de thé Dushanbe, (plutôt un restaurant dans le genre de l’excellent Rumi à Montréal). Un endroit unique résultant du jumelage entre Boulder et la capitale du Tajikistan, ce qui faisait déjà exotique. Ce dimanche ensoleillé, il fallait attendre à l’extérieur pour que notre table se libère. Charles Pellerin est arrivé avec son livre, How NASA Builds Teams (Wiley 2009) et un Kindle sous le bras. L’importance donc de la simple conversation de préambule. Le chit chat.

Charlie (comme il se fait appeler) est né et a vécu à Okinawa. Il a collaboré au jumelage de Boulder avec la ville de Yamagata et en passant par l’Université Harvard, il a beaucoup fait affaires avec des partenaires japonais. De surplus, le point amusant c’est qu’il s’est remarié avec Junko-san, une femme de cette ville, sorte de coup de foudre sur le tard entre deux inconnus. «Je ne parle que le japonais de sushi», se moque-t-il de lui même. Ce dimanche-là, 48 heures après la catastrophe de Sendai, inutile de dire que le couple était très inquiet au sujet de la parenté vivant au Japon.

Communications difficiles ou inexistantes. Dans une partie de son courriel : «We were on the phone with Junko's sister last night when the quake hit. She reported that the house was shaking badly, then we lost all communications for several hours. Current status: house - everything tumbled onto the floor and no electricity, water or gas. – People - Takeya (18 years) was on the train when it hit and we have no details about how he managed to get home. (…) As if this wasn't enough, a forest fire is now burning a mile away from our house [in Boulder] with strong winds!

Heureusement, ma fille et mon gendre étaient de la partie au Dushanbe. De la valeur ajoutée à la réunion. Ce dernier comprend très bien les préoccupations et les expériences professionnelles de Charles Pellerin. La présence de mes deux petits-enfants à table aurait pu faire dérailler nos échanges, mais ceux-ci ont été quand même assez sages. «J’ai deux petits-enfants moi aussi», d’expliquer le sexagénaire de Boulder sans trop leur porter attention.

Dédicace respectueuse

Mon gendre portait une casquette de joueur de baseball sur la tête pendant le repas, mais aucun accroc là non plus au protocole. Nous sommes au pays de l’Oncle Sam où le code vestimentaire s’avère secondaire. Rien pour me distraire de la délicieuse crêpe à l’indienne (masala dosa) que j’espère retrouver plus tard à Montréal. Avec gâteau perse au chocolat épicé. Tisane au parfum de bleuet. Le Tajikistan se trouve au centre de plusieurs influences sur la route de la Soie. La clientèle cosmopolite de ce dimanche de mars reflétait assez bien cette région du monde. (www.boulderteahouse.com)

J’ai naturellement étudié la bible de Charlie quelques semaines plus tôt. Autre signe de gentillesse, il nous en fait cadeau avec dédicace à mon nom. En ouvrant son How NASA Builds Teams: Mission Critical Soft Skills for Scientists, Engineers, and Project Teams, je lis avec une certaine stupéfaction: «For Jules, with respect!» C’est plutôt moi qui ressens du respect pour cet homme de science. Il a travaillé sur plusieurs projets de plusieurs millions de dollars chacun. Chapeau! Une partie dans la jungle de Washington et ailleurs dans le monde. Mon gendre aussi ressent du respect pour ce monsieur aux cheveux blancs.

Charles Pellerin doit partir en voyage 48 heures plus tard pour le pays de Marco Polo puis la Chine. Encore Pékin et Hong Kong avec des «attentes importantes», me confie-t-il. Son horaire est surchargé. J’essaie de ne pas le retenir trop longtemps. «C’est pas grave», répond-il à deux reprises en souriant aux deux bambins. Il me semble que ça clique entre nous tous, mais j’en attends la confirmation. En nous quittant, il me remercie d‘avoir piloté cette réunion si souvent retardée. Je décide de le raccompagner pas à pas vers le stationnement et il apprécie le geste : «Ici, quand on dit au revoir, on claque aussitôt la porte. Au Japon, on envoie longuement la main à ceux qui partent. C’est ce que fait ma femme Junko quand je quitte.»

À peine rentrés à Denver, quelques heures plus tard (après avoir flâné sur la rue piétonnière Pearl), je lis le message suivant de Charlie: «Actually, for me, it was a wondrous day -- I am filled with hopeful expectations of a new journey unfolding! Thank you (end).» Je me rends compte, à ce point-là, que lui et mon gendre se sont promis d’explorer certaines pistes de travail, mais la vitesse des courriels du spécialiste de la NASA nous étonne. Anne Choquette est déjà au courant du ton positif de la rencontre. Bref, les éléments interculturels n’ont pas toujours préséance sur le contenu d’une relation, mais avouons que ça aide beaucoup. Tellement plus sympa de faire affaires avec des gens de grande sensibilité!

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