jeudi, juin 02, 2011

MBAM: revoir les guerriers de Qin et bien davantage

(Photos: gracieuseté du Musée des beaux arts de Montréal)

Les navigateurs portugais ont découvert la route maritime vers la Chine. C’est maintenant au tour de la Chine impériale de venir se faire redécouvrir par les Portugais. Au Musée des beaux-arts (MBAM), rue Sherbrooke. La dernière fois pour une telle fête des yeux c’était en 1986. À ne pas rater! L’exposition se terminera le 26 juin, mais faites vite pour éviter la cohue des retardataires. Après Toronto et Montréal, les 240 trésors (de 16 musées) rebroussent chemin vers la Chine. Rien à Calgary ni à Victoria.

La découverte fortuite des 8 000 guerriers de terre cuite a stupéfait le monde entier à partir de 1974. La plus grande révélation (par étapes) du dernier siècle – même en comparaison avec Toutânkhamon (1922). L’empereur Qin, génial et destructeur, qui commanda cette armée funéraire n’a pas fini de faire parler de son règne car sa mystérieuse tombe reste encore à être explorée. Folie des grandeurs! Suspense historique de 2 200 ans dont la magnificence dépasse l’imagination.

Avant-gardiste pour l’époque

La fiche technique de ces colosses de 2 m de 270 kg? Leur fabrication nécessita une petite armée d’artisans usant de génie pendant une dizaine d’années selon des techniques révolutionnaires pour l’époque. Par reconnaissance faciale, un scientifique néozélandais confirme que les gardes funéraires sont tous différents les uns des autres. Sans compter la distinction entre fonctionnaires, officiers, fantassins et archers. Y compris les chevaux.

Malheureusement, les couleurs vives en surface ont rapidement disparu dès l’excavation. Vous pourrez toutefois voir des pigments rouges (photo) sur l’arbalétrier agenouillé (cage transparente). Tous les autres personnages sont visibles de très près sans aucune entrave vitrée. Ce qui n’est pas le cas dans les musées en Chine. Aussi, plus près des yeux que dans le vaste hangar muséal de Xi’an.

Évitez les embouteillages! Je conseille de choisir une journée de semaine (fermé le lundi) plutôt qu’en fin de semaine. Surpeuplé aussi le mercredi après 17 heures à cause du prix réduit. Interdit de photographier. Prévoir trois bonnes heures pour tout voir et en jouir. Le petit livre rouge de l’archéologue CHEN Shen (seulement 5 $, à la boutique) mérite d’être parcouru avant ou pendant la visite. Sinon l’audioguide. Les documentaires, tous très courts, fournissent de bonnes pauses. (Banquettes disponibles pour reposer votre dos.) Remarquez l’enthousiasme vraiment juvénile du prof. Robin Yates, grand sinologue de l’Université McGill. (Pour mieux recharger la batterie mentale, café et repas légers à la cafétéria.)

Troisième du genre au Québec

Rappel historique dont je garde un souvenir inoubliable -- coup de maître de Jean Drapeau -- Montréal a accueilli les premiers chefs d’œuvre de terre cuite en 1986 au Palais de la civilisation. Officier, guerriers et chevaux. À l’époque du maire Jean-Paul L’Allier, cinq guerriers de l’empereur Qin ont déjà été exposés au Musée de la civilisation de Québec pendant neuf mois (2001-02). Total de 130 artefacts. Sans archer à genoux ni de cheval toutefois (au grand regret de Robin Yates). Sans catalogue non plus.

Avec l’arrivée au MBAM de madame Laura Vigo au poste de conservatrice de l’art asiatique, on peut s’attendre à d’autres manifestations culturelles sur la même région. (Nos modestes collections asiatiques sont mal connues). La jeune archéologue, polyglotte, docteure du London School of Oriental and  African Studies, est familière avec les grands musées. Elle a notamment enquêté sur les missionnaires salésiens en Inde. En entrevue avec LusoPresse, la nouvelle conservatrice, qui a déjà donné moult et moult entrevues, se montre enthousiaste et rieuse. (Après deux heures de conversation, nous rêvons d’aller voir, un de ces jours, les authentiques bronzes d’André Desmarais chez Power Corp.) Saluons au passage les sinologues italiens comme Laura Vigo qui, comme les Portugais, nous ont permis d’approcher l’univers chinois.

Non moins fervente ni moins loquace, l’attachée de presse Catherine Guex insiste sur la magnifique présentation de l’exposition qui en a surpris plusieurs. Le Cirque du soleil y a travaillé. Vous verrez que des rangées de statuettes (photo) et ailleurs des animaux dans des cages multiformes font un bel effet. L’éclairage tamisé rehausse la valeur de la statuaire. Une salle consacrée à l’art de l’arbalète brille par la couleur. Les grands miroirs sont stratégiquement placés.

Un empereur peut en cacher d’autres

«Le MBAM vous montre beaucoup plus que la dynastie Qin.» (Autre bonne raison de jouer au navigateur sur la grande toile avant d’attaquer. L’information y est abondante.) Sur une douzaine de salles, les quatre premières couvrent des dynasties précédant l’empereur mégalomane. Mes coups de cœur? Les deux bronzes de la salle d’entrée. Admirer avec lenteur. D’autres bronzes plus petits, dont une délicate cloche et des vases à vin, complètent la série avec bonheur. Deux figurines miniatures de cavaliers. Le disque de jade (bi en chinois) témoigne du grand amour des Chinois pour ce noble matériaux.

Après les trois salles Qin, place à l’après-Qin, c’est-à-dire les réalisations des Fils du ciel de la dynastie Han. Moins connues! L’empereur rebelle Gaozu s’entoure d’une armée de fantassins et de cavaliers. De ces derniers, vous en verrez 25 en rangées disciplinées. L’empereur Jing a recours aux mêmes gardiens funéraires. Un eunuque (détails anatomiques) en terre cuite est le premier connu du genre. Dans la même salle, vous partagerez mon coup de cœur pour la danseuse, les domestiques et le sage mandarin. Et un dernier coup de chapeau à l’empereur pacifique pour la ménagerie d’une vingtaine d’animaux domestiques : chiens, moutons, porcs, coq et poule.

Enfin, après ces 240 trésors, je suis descendu au sous-sol pour visionner de l’art contemporain chinois. Rarement vu à Montréal, sauf à la galerie Art Mûr de la rue St-Hubert. Le policier en Sept cadres de Ai Weiwei (toujours emprisonné malgré un tollé international) m’a permis de voir un original du dissident, même si l’œuvre n’en révèle pas beaucoup sur cette prodigieuse machine créatrice. Par contre, j’ai eu un faible pour les photographies de l’architecte Chen Jiagang.

2 commentaires:

Émy a dit...

J'aime bcp te lire. Ce serait possible de m’envoyer automatiquement un avis par email quand tu écris un nouvel article?

Voilà comment:

Settings > Email & Mobile > BlogSend Address (ajouter mon email).

Merci!!

Émy a dit...

Oups! Et tu as fait une faute de frappe dans le titre...
"Davantage"