mardi, janvier 24, 2012

Le coup de coeur de cinq grands bourlingueurs

Robert Guay, Robert Beaudoin, JN, Francine Brodeur, Barbara Finch, Luc Delorme
À la suite de témoignages très positifs qu'on m'a récemment confiés, soit deux cas d'adoption et un magnifique voyage, je vais commencer par ce dernier sur les bourlingueurs. J'ai aidé un groupe de cinq personnes à préparer leur safari de 22 jours en Chine et à leur retour, j'ai été submergé de bons commentaires et de remerciements. Ce sujet me touche parce que j'ai été accompagnateur pour quatre voyages de groupes dans le passé et voici une bonne façon de faire une mise au point.

Je suis certain de ce que j'avance parce que j'ai bien cuisiné ces cinq amis à leur retour afin de creuser le yin et le yang de leurs impressions. J'avais peur que ces êtres sympathiques dorent la pilule uniquement par politesse, mais ce n'est pas le cas. Ils écriront leur propre road movie, mais voici ce que j'en sais. Je ne veux pas faire de pub pour un voyagiste, mais la nouvelle agence en question le mérite et je n'hésiterai pas à la recommander. 

Cette histoire remonte à la nuit des temps lorsque je faisais Science Po à l'Université Laval. Je m'étais lié d'amitié avec un grand bonhomme aux yeux pers nommé Robert Beaudoin. Nous avons beaucoup sympathisé et fait quelques sorties ensemble, mais mes souvenirs de cet étudiant en relations industrielles ne sont pas très précis. Même pas une anecdote drôle. Malheureusement, diplôme en main, j'ai étudié en chinoiseries à l'Université McGill, puis je suis disparu pour un autre deux ans à Hong Kong, donc nenni pour garder mes copains de Sainte-Foy.

Après 40 années de silence, le 18 décembre 2009, je reçois un bip-surprise me demandant de contacter le grand Robert. «J'aimerais ça partir en Chine avec toi», m'annonce-t-il après les e-retrouvailles. Un bon soir qu'il était en train de souper avec des amis, raconte-t-il, il a parlé de la Chine et à la mention de mon nom, un de ses compères branchés m'a trouvé illico sur mon portail de Communik-Asie. «C'est lui ton chum?» Robert Beaudoin (en basse vitesse dans son magnifique repaire champêtre) s'est étouffé avec sa tarte aux pommes: «Ben oui, c'est ben lui!»

La flèche du temps venait de faire tilt! Fantastique de retrouver un vieux confrère Sciences sociales! Ce n'est pas Confucius qui le dit. C'est bibi.

L'agence Transasie

Le topo du départ devient vite très clair. Robert Beaudoin, sa blonde Barbara Finch, un autre couple ainsi qu'un cinquième larron réservent à l'agence Transasie. Trois semaines en novembre 2011. Je propose donc deux mesures concrètes. Primo, nous renseigner sur l'agence du 1672 rue Lincoln. Secundo, une formation à la Communik-Asie pour la Bande des cinq.

Connaissant mieux les Vacances Sinorama, les Voyages Wonder et les Voyages Jade, je m'aventure d'abord seul à la nouvelle agence située près de la rue Guy dans ce que certains commencent à appeler le deuxième Quartier chinois de Montréal (non loin de l'Université Concordia). Le contact est tout à fait kosher. Les quatre employés parlent bien français et ont surtout un grand sens de l'humour. Ça commence bien. «Ils sont très parlables», me suis-je empressé de  rapporter à l'homme du lac paisible.

Le 12 septembre 2011, au nom du groupe, nous allons rencontrer Olivier WANG Huan (王欢) pour l'interroger sur plusieurs points. Très sympathique, le francophone accepte même de luncher avec nous et nous parle de sa feuille de route avant d'arriver à Montréal (deux ans plus tôt). Olivier a transité par le Bénin et Clermont-Ferrand. J'admire chez cet natif de Hangzhou sa franchise et son esprit critique lorsqu'il parle de la mentalité de ses compatriotes: ceux des années '70 et ceux des années '80. Nous mangeons des plats pimentés dans l'authentique restaurant Cuisine Szechuan (aussi très recommandable) ce qui constitue un autre signal encourageant. Ce midi-là, j'invite l'acrobate Elizabeth Gaumond à se joindre à nous étant donné qu'elle a besoin d'un visa pour un concours de cirque à Shijiazhuang, ville du Hebei reliée à la mémoire du Dr Norman Bethune. (Olivier et Elisabeth sur la 2e photo)

Nous commençons en juin 2011 les cours de préparation au mariage. Je veux  leur donner la Chine 101 pour qu'ils apprécient mieux leur aventure orientale. Nous nous réunissons à trois endroits pour des demi-journées. C'est d'bord l'enchantement complet chez Robert Beaudoin, dans la maison qu'il a habilement «bricolée» au fil des années au lac Sir John, non loin de Lachute. Il donne le ton à nos rencontres: une longue session sinologique, puis une vivifiante session gastronomique. Ma modeste bière Tsingtao (qu'en penserait un des fils de Barbara?) produit un certain effet, mais n'arrive pas à la cheville gauche du Château de la Lieu (que Robert a personnellement visité en Provence). Sa tendre moitié, Barbara Finch, originaire de la Colombie Britannique (impossible à deviner à cause de son excellent français), est une grande sportive. Elle en fait son gagne-pain sur les pentes de ski et les verts de golf.

Des élèves stimulants

Sino-passionné, le défi de parler de la Chine m'excite! J'y vais à fond les ballons en l'honneur de mon vieux pote du pavillon De Koninck. Se rendant bien compte de mon excès de zèle, un moment donné, il me lance au téléphone: «Cou' donc, t'attends-tu à être payé pour ça?» Ben non, ben non!

La Bande des cinq est stimulante. Tous les clignotants sont au rouge! Francine Brodeur et Robert Guay, l'autre couple (bien) reconstitué, deux ex-enseignants,  ont un horaire troué comme du gruyère parce qu'ils voyagent beaucoup. Une carte d'embarquement n’attend pas l'autre. Je sympathise aussi avec ce Robert parce qu'il s'occupe activement de ses trois petits enfants. Un point en commun. Inquisiteur de l'ailleurs, c'est le papy qui pose le plus de questions pendant mes exposés. Le canard de Pékin. Le dalaï-lama. Tout y passe. (Rien à comparer avec les étudiants d'éminents professeurs de HEC et de Polytechnique qui semblent tout gober en classe sans jamais lever un doigt dubitatif.)

Je n'y vais donc pas avec le coude mou en leur assénant l'essentiel des trois philosophies et des éléments concrets de la vie politique et économique. Les mots-clés du mandarin comme xiexie. Quelques photocopies de mes résumés synthèses. Robert Guay ne semble pas d'accord avec mes vues sur le chef spirituel des Tibétains (celui que Rupert Murdoch qualifie de «vieux moine politique se trimbalant en Gucci»), mais ça ne mène pas à l'algarade. Barbara se procure très tôt le costaud Lonely Planet et je vois que la motivation du groupe dépasse les sommets. Je suis même impressionné par la présence de Jules Painchaud qui «descend» chaque fois de Québec pour nos formations-dégustations. Viscéralement accro à l'internet, l'ex-commis d'État est discret, mais il creuse la matière à sa façon avec des cartes et des interrogations sur la Révolution culturelle.

Autre session, dans le fief bucolique de Barbara, nous trouvons là aussi une magnifique datcha sise sur le bord d'un lac non loin de Saint-Sauveur. Je les préviens de la réputation de «plus beau lac sur ce bas monde» que possède le lac de l'Ouest à Hangzhou. Faut un sacré lac pour impressionner des Québécois! Sur un autre plan d'eau, l'enthousiaste Barbara rivalise avec Robert et Robert pour nous gâter avec ses plats fins. Un mélange gagnant! Malheureusement, rendus à la table, ce n'est plus tellement le moment de parler de la Terre sainte de la révolution maoïste. C'est ainsi, un jour, que je rate l'occasion de disserter sur les cinq dernières dynasties de l'Empire céleste. Monsieur Guay m'avouera plus tard que c'est «son point faible» dans le sens qu'il n'a pas parfaitement bien pigé cette chronologie. Le même samedi soir, on ne peut pas bien digérer et bien dynastier.

Dans l'espoir de mieux les faire pénétrer dans la moelle chinoise, je leur prépare deux rendez-vous à Pékin, mais ni l'une ni l'autre n'aura lieu. Zut! La première avec l'avocat Pierre Saint-Louis en utilisant comme subterfuge la livraison (merci Barbara) d'un Tintin à sa fille de 9 ans, Isabelle. Malheureusement, le coquin prend l'avion pour le Shandong et il n'y aura pas de rencontre de la «Ligue du sirop d'érable en Asie». Sacré Tintin! La rencontre avec le journaliste Éric Meyer n'aura pas lieu non plus, mais Barbara contribuera généreusement à son projet de livre sur le Tibet. Merci Tintin!

Le 10 novembre, je reçois une première infolettre du coeur même de l'Empire:

«Bonjour Jules,
Je suis présentement dans ma chambre d'hôtel à Hangzhou. Francine, Barbara, Jules et Claude sont partis souper au resto. Ils en avaient marre des repas style chinois. Ils se paient un petit repas américain, je crois. Nous faisons un magnifique voyage. Tout se déroule très rondement et les guides sont ... très jolies et... intéressantes.
La Chine est encore plus que tout ce que j'avais pu imaginer... et on en voit si peu.
Nous n'avons pas vu le soleil depuis notre arrivée, mais ce n'est pas grave, car tout est si beau ici. Nous aimerions bien que tu sois avec nous pour partager ce magnifique voyage. Nous essaierons de t'envoyer une ou deux photos dès que nous le pourrons.
Mes coups de coeur à date: Xi'an, la Grande Muraille, la rivière Li et sa région, les gens si sympathiques, les chants et toutes les activités du peuple dans les parcs... et j'en passe. Je raffole.

Amitiés,
(signé) Robert (Guay) 

P.S. Pourrais-tu essayer de demander à Transasie les coordonnées de notre guide de Xi'an, Sandrine, et de me les faire parvenir bien entendu ... j'ai vécu une belle aventure avec elle (ne pas fabuler ici), que je prendrai plaisir à te raconter dès mon retour.

Je suis aux petits oiseaux. Je transmets la bonne nouvelle au vieil ami Pierre Saint-Louis -- qui a bien dû prendre trois semaines avant de me confirmer que sa grande fille avait bel et bien reçu le Tintin et le Québec d'Yves Demers (que j'ai entre temps pu saluer en personne au Salon du livre de la place Bonaventure). Toujours critique envers son pays d'adoption où il survit depuis plus de 30 ans, mon camarade pékinois-montréalais réplique par une boutade sur sa Chine gros rouge: «Si y sont si contents, c'est qui ont rien vu.» Hahaha!

Le 9 décembre, je rapporte à Olivier Wang:

Hier, j'ai passé plusieurs heures avec mes amis du groupe de Robert Beaudoin chez Robert Guay. C'était notre première rencontre après leur retour de Chine. Tous ont été unanimes à me dire qu'ils ont fait un merveilleux voyage avec Transasie. Grâce à mon expérience d'accompagnateur, je leur ai posé plusieurs questions sur les hôtels, les repas, les guides, les transports, les visites et l'organisation en général. Dans les détails et à chaque sujet, ils m'ont exprimé leur vive satisfaction. 

J'ai vu une petite partie de leurs photos et vidéos. Ils se souviennent parfaitement bien de tous leurs guides dans les différentes villes. C'est bon signe. Ils vont essayer de les remercier par courriel si possible. (Ils cherchent encore l'adresse de Sandrine à Xian.)

Le seul commentaire concernant les choses à améliorer est celui-ci: trop de choses à faire, à voir et à assimiler. Ils auraient aimé passer plus de temps dans un ou l'autre des endroits pour approfondir, pour mieux sentir l'odeur des choses. Par exemple, pour la magnifique maison de la famille Chen à Canton, ils ont dû courir en fin d'après-midi pour entrer juste avant la fermeture, une course folle, mais après coup, ils ont dit: ça valait vraiment la peine... L'autre point, mais on n'y peut rien, c'est la pollution dans la plupart des endroits. Pas la faute de Transasie!

Un gros point d'interrogation soulevé très tôt par Jules: «Comment Transasie peut-il organiser ce 22 jours pour seulement 3 300 $? (200 $ de pourboires en sus.) Est-ce subventionné par le gouvernement chinois?» À notre dernière messe, dans le chic Rosemère, j'enquête. Sans un poil de différence, toutes les explications individuelles allaient dans le même sens. Ont-ils rogné sur la qualité des hôtels? Impossible! «Toujours des 4 ou des 5 étoiles!» Les nourritures terrestres de l'authentique général Tao? Non, «c'était délicieux» (et je sais qu'ils s'y connaissent en bonne bouffetance). Bon, quoi encore? Les avions et les trains? «Impeccables!» Puisqu'il n'y avait que des «guides locaux» ni de «guide national» ni d'accompagnateur d'ici, c'est là que l'agence a coupé? Quand on m'énumère les noms des guides, c'est que le service a été complètement nickel: « Rosalie, Leah, Sandrine à Xian, le vénérable Georges immortalisé dans le Routard, Léo à Beijing, Leah sur la rivière Li, Chow Chi à Shanghai, Rosalie à Wuhan, George à Chongqing», m'a précisé la fille des Rocheuses canadiennes. Il est donc possible d'aller au pays des litchis pour des prunes!

Personne n'a été malade

Pour revenir aux diverses agences, mes souvenirs des Voyages Jade (rue Clark) sont trop lointains pour en donner une bonne appréciation. On me dit que Wonder Travel et Sinorama se font une guerre de prix? Deux couples que j'ai amenés il y a trois ans à cette dernière agence (maintenant installée dans d'immenses locaux spacieux du nouvel édifice Swatow, rue Saint-Laurent) ont été très satisfaits du prix des billets d'avion (sans excursions). Malheureusement, le coordonnateur qui m'a demandé de partir comme accompagnateur nous a définitivement quittés il y a quelques années. Gérard Cachat, né à Sfax (Tunisie) et diplômé de Bordeaux était le gars le plus méticuleux qui existe pour préparer ces circuits. Uniquement pour les pourboires, il me remettait une grille détaillée, histoire de ne pas oublier le moindre bagagiste. Du travail d'artisan! Mes amis et voisins Judith et Jean-Guy Legros ont ainsi voyagé l'esprit tranquille en 2001.

Transasie m'a fait bonne impression dès le début. À la rencontre du 20 octobre, en l'absence d'Olivier Wang, ce fut au tour d'Amanda Wang Meng (王萌)de donner le dernier laïus. Cette jeune chinoise de Nanjing, au français également admirable, m'a vite fait la preuve que l'agence tient à offrir le meilleur service possible. Franche elle aussi, elle n'a pas essayé de promettre mers et mondes dans un immense pays où la perfection n'est pas monnaie courante.

Le «père adoptif», comme la Bande des cinq m'a qualifié, a aussi apprécié le fait que personne ne se soit blessé ni ait été malade. Même pas de petite grippe à la suite de l'ascension de la glaciale Grande muraille ni de la traversée de la vaste Cité interdite. Bref, tout du monde qui se garde en grande forme. Je vois mal un compatriote se fouler une cheville en clopinant sur la Grande muraille. Autre bon point, digne de mention, dans la brigade d'une quinzaine de touristes, il n'y a pas eu un seul «fatigant» qui a fait poil à gratter, genre retardataire incorrigible, magasineux compulsif ou individualiste à tout crin. Dans un voyage de groupe avec des devis de groupe, faut se fondre dans le groupe.

Je viens tout juste de recevoir 1,3 milliard de photos sur CD. Je vais savourer ça à petites gorgées en pensant aux trente villes que je connais. En attendant, en échange de toute l'admiration que je leur ai transmise au sujet du superbe Musée de Shanghai, j'ai reçu en cadeau un tout aussi superbe album illustré de ce haut lieu de culture. Les «Trésors de la collection du Musée de Shanghai» en édition de luxe me font saliver. Les bronzes, les jades, la calligraphie. J'ai reçu en même temps une belle carte dessinée par une jeune élève chinoise d'ici, Yu Ying, qui proclame: «la Chine est un beau pays». Quoi de plus touchant pour accompagner les bons mots de mes cinq baroudeurs. Pendant que j'écris ces lignes, Robert Beaudoin m'écrit d'un point chaud de la planète: « J'ai maintenant un domicile aux USA avec une chambre d'invité...ça me ferait plaisir de te ramasser à l'aéroport de Tampa.» On verra! comme dirait l'autre.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Cher Jules
Te lire c'est comme revivre notre voyage mais aussi nos rencontres... Des beaux souvenirs et je te remercie encore de me faire connaître La Chine à travers les yeux d'un passionné....
Barbara