vendredi, novembre 26, 2010

L'importance inouïe de sauver la «face» dans une dure prison de Thaïlande


Le concept de la «face» -- c'est-à-dire en donner, la sauver ou bien la perdre -- est profondément ancré en Asie. De son expérience personnelle, Roland Parisien m'a raconté des souvenirs de ses années d'incarcération en Thaïlande. J'ai fait appel à ce Montréalais parce que je connais bien l'histoire de ses sept ans et plus de séjour forcé au pays des Éléphants. Je lui ai rendu visite dans la prison de Bangkwang et je l'ai aidé par mes articles dans La Presse à retrouver la liberté à la fin des années 1980. Il en avait assez bavé dans ce pénitencier -- véritable trou pour exploiter les étrangers et leur fournir plus de drogue pour en tirer encore plus d'argent provenant de leurs familles.

Son anecdote la plus étonnante concerne les détenus condamnés à de lourdes sentences et même à la peine capitale qui affichaient ensuite au retour du tribunal la plus totale «indifférence, l'insouciance. Presque le sourire! Comme un p'tit coq! Ça m'dérange pas! La peine pouvait aller jusqu'à 25 ans. Pourtant, les damnés, surtout des Thaïs, affichaient de l'indifférence vis-à-vis des codétenus. Du moins le silence. Au risque de perdre la face. Mode de vie, éducation, tradition?»

Condamnés à mort mais souriants

«Les condamnés à mort étaient tous placés ensemble, environ 300 du temps que j'étais là, au building no. 1 à Bangkok. Y'avait trois murs à sauter. Ils m'avaient placé là, moi aussi, dans le pire endroit. De notre cellule en haut, le matin très tôt, on pouvait voir les individus qui étaient amenés pour l'exécution. Dans toutes les années que j'ai été là, c'est arrivé peut-être une seule fois qu'un gars a chigné un peu. La plupart du temps, ils venaient les chercher par deux ou par trois. Y marchaient la tête haute. Y'en a bien ici qui auraient pissé dans leur culotte. Chez nous, personne aime perdre la face, l'égo, l'orgueil mais on vient pas fous avec ça! Les Japonais, eux, (rire) c'est l'enfer», poursuit l'homme qui mène maintenant une vie rangée.


Le général à la peau foncée

«À Chiang Mai, dans le Nord, le nouveau directeur de prison avait la peau foncée parce qu'il était né dans le Sud de la Thaïlande. Ce général devait se montrer doublement compétent afin de se faire accepter. Il a donc resserré toutes les règles de sécurité de la prison. Tout était plus dur! Moi, Roland Parisien, dans ces circonstances, j'ai osé m'évader. Pis, écoute bien la shot. Après m'avoir capturé, ils ont organisé une conférence de presse. Lui, y me dé-tes-tait. Je venais de lui faire sérieusement perdre la face. Mais devant les hauts gradés du département de Correction, même s'il me haïssait à mort. y'a été obligé de me serrer la main avec un... franc sourire. Comprends-tu? Pour montrer qu'y avait pas perdu la face. De là vient l'expression rire jaune. Un sourire hypocrite!

Roland Parisien s'est basé sur son expérience avec des prisonniers de différentes cultures: des Thaïs et aussi des Chinois et des Japonais. Parmis ce dernier groupe, il a côtoyé de près un chef des yakuzas. Encore une bonne histoire à mettre sur un blogue. Ou dans un livre.

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