dimanche, février 20, 2011

Documentaire de Ruby Yang: (仇岗卫士) des villageois abattent une usine chimique véreuse

Grâce à la magie de la grande Toile, pendant que je suis à Denver, sans avoir besoin de me déplacer vers un cinéma local où est projeté ce documentaire pendant une semaine, je peux visionner ce film de 39 minutes sur mon portable. Bon documentaire (titre en chinois: 仇岗卫士 ) avec un dénouement encourageant, car ce sont de pauvres villageois d'une province pauvre qui réussissent à faire «dégager» une usine de produits chimiques qui a causé le cancer et de nombreux autres problèmes de santé au sein de la population.

The Warriors of Qiuqiang est une production américaine résultant du patient travail de trois ans effectué par Ruby Yang et Thomas Lennon. J'aurais aimé savoir exactement comment une ONG de la province d'Anhui a réussi à faire pencher la balance du côté des plaignants contre les industriels (sûrement de connivence avec les autorités locales), mais il ne s'agit pas là d'un défaut grave dans ce récit vécu. Les dégâts de toutes sortes décrits dans le documentaire sont nettement déguelasses. Par exemple, la contamination de toute la production agricole. Une histoire malheureusement trop fréquente en Chine. Le court documentaire a été sélectionné pour un Oscar en 2011. Bonne chance!

Morgan Chua: caricaturiste d'exception en Asie

Parlant humour, dans les pays asiatiques, les caricaturistes exercent un métier à risque. L’exception qui confirme la règle, c’est Morgan Chua qui a agrémenté les pages du Far Eastern Economic Review pendant 22 ans. Ce Singapourien qui me faisait alors penser à un adepte d’arts martiaux, avec son allure de jeune Bruce Lee, a été celui qui alliait le mieux qualité artistique et sens critique. Il n’a sûrement pas appris à s’exprimer librement dans sa Cité du Lion où la presse obéit fidèlement à la ligne de l’omnipuissant Parti du peuple. Il m’a spontanément avoué qu’il avait déjà reçu des coups de fil de l’agence Chine Nouvelle qui n’appréciait pas tellement ses dessins du Grand timonier. Certes, la caricature existe en Chine populaire et ailleurs en Asie, mais les dessins n’expriment jamais une opinion personnelle et ne mettent jamais un dirigeant dans l’eau bouillante. Question de respect pour les patrons, tel que mentionné plus haut. Bref, rien pour se dilater la rate comme ailleurs.

L’autoritaire Lee Kuan Yew

Au début de sa longue carrière, alors âgé de 22 ans, Morgan Chua a facilement fait monter la moutarde au nez de l’autoritaire président Lee Kuan Yew. Dans le Singapore Herald, il a représenté l’homme politique monté sur un blindé menaçant d’écraser un bébé inoffensif, c’est-à-dire son propre journal – frappé d’interdiction un an après son lancement. Motif officiel: «hostile aux intérêts nationaux»! D’autres médias (Time, Newsweek, Economist, Asian Wall Street Journal) ont eu maille à partir avec Lee Kuan Yew, le père, et Lee Hsien Long, le fils.

Si la fermeture du Herald en 1971 a fait déménager Morgan Chua vers Hong Kong, c’est le changement de souveraineté de ce territoire en 1997 qui a fait rentrer l’artiste chez lui. Dans My Singapore (2000, 2008) et dans Divercity Singapore (2009), on lui doit des recueils de dessins encore susceptibles de faire froncer le sourcil. Dans une entrevue, à la question de savoir pourquoi on ne peut pas faire de caricatures des politiciens locaux, Morgan Chua explique brièvement: «En Asie, nous honorons le père. Très confucéen. Pas comme en Occident.» Il ajoute toutefois que dans son cas, il le peut en vertu des droits de la personne. «Mais je m’en tiens aux faits, aux événements.»

My Singapore : dessins de l’histoire

Encore une fois, grâce à l’amabilité de ma parenté américaine, j’ai pu mettre la main sur My Singapore que m’a rapporté de la grande librairie Kinokuniya de la Cité du Lion un spécialiste de la formation en ligne. Morgan Chua y raconte à l'aide de sa plume l’histoire de la petite république en s’attachant aux principaux personnages qui l’ont marquée depuis les origines. Beaucoup de noms et de faits. Faut être un tant soit peu familier avec les grands jalons historiques pour en apprécier toutes les allusions. J’imagine que certains grands bonzes souhaiteraient jouer du ciseau purificateur dans un certain nombre de pages. Mais rien de très méchant.

«Le Père, le Fils et le Saint Goh» (Lee Kuan Yew, Lee Hsien Loong ainsi que Goh Chok Tong) occupent une place prépondérante dans l'ouvrage de Morgan Chua revisé en 2008 alors qu'il approchait la soixantaine. Donc, un artiste plus sûr de lui et un homme qui affiche aussi un mélange de nostalgie et même de fierté face à son pays de naissance. Ce que j'aime du manuel d'histoire, dédié aux enfants de Singapour, c'est le fait d'avoir fait une place à des opposants jouissant habituellement de peu de visibilité dans les médias officiels. On y voit même sur deux pages la tête d'un célèbre terroriste de la mouvance islamiste qui a réussi la «grande évasion» par la fenêtre d'une toilette. «Je me suis tiré la chasse du bol de toilette», de lancer l'homme qui a couvert de ridicule le ministre de l'Intérieur et les autorités policières. Au moment d'aller sous presse, précisait Morgan Chua, le fugitif courait encore.

jeudi, février 17, 2011

Nouveau: un excellent documentaire sur Bouddha


Je dois beaucoup à ma parenté américaine : d’aimables gens qui me fournissent de la précieuse matière au sujet de la culture chinoise. Je peux ainsi recommander un merveilleux documentaire sur le bouddhisme que j’ai visionné en famille à Austin (avec photo prise dans un grand magasin d’alimentation). Il s’agit d’une intéressante biographie de la vie de Bouddha que racontent plusieurs spécialistes de cette philosophie inhérente à la culture asiatique. Le réalisateur d’expérience David Grubin a réalisé ce documentaire diffusé à la chaîne PBS avec la voix de Richard Gere, un adepte bien connu du maître à penser. Le fait de donner les explications à travers le vécu de l’éminent personnage donne une unité parfaite aux deux heures de film. Pas de longueurs!

«De la sagesse ancienne pour les temps modernes». Gautama Bouddha naît au Népal (lieu devenu saint) dans une famille vivant richement dans un palais, mais le jeune penseur n’y trouve pas satisfaction. Il s’adresse en vain à deux gourous, puis il pratique encore en vain l’ascétisme pendant six ans (un grain de riz par jour) sans y trouver les réponses qu’il cherche. Il va donc chercher l’«éveil» à l’intérieur de lui-même. En même temps, il manifeste son respect pour la terre qui devient son «témoin». D’où son respect pour tous les êtres vivants, y compris les insectes.

Les désirs sont la cause des souffrances de l’homme, affirme-t-il tout en orientant ses futurs disciples vers une vie de simplicité. Contrôler le corps pour contrôler l’esprit. Il est bon de mendier! Le dalaï-lama intervient en personne dans le documentaire pour préciser que ce ne sont pas tous les désirs qui sont mauvais. Il y en a de bons susceptibles, par exemple, de nous élever vers le nirvana. Par ailleurs, parmi les trois «poisons», il condamne l’envie, la colère et l’ignorance. Il faut plutôt privilégier la générosité, la compassion et la sagesse.

Distinction, Bouddha n’a donc pas dicté de dogmes comme dans certaines religions. Il n’a pas non plus élaboré de théorie de la création comme c’est le cas dans le catholicisme. Par contre, ce qui peut nous étonner c’est sa théorie de la réincarnation. La vie après la mort? Le réalisateur David Grubin explique qu’il s’agit là d’une notion qui existait dans la spiritualité indienne longtemps avant la naissance de l’illustre philosophe.

Bouddha meurt à Kushinagar (quatrième des endroits sacrés) le visage tourné vers l’ouest. «Soyez votre propre lumière. Vous n’avez pas besoin de moi.» Le bouddhisme s’est ensuite développé pendant un millénaire et demi en Inde et ailleurs. La Chine deviendra par la suite un terrain fertile pour cette philosophie et, fait à retenir, les années de marxisme-léninisme ne réussissent pas à en effacer l’implantation.

Dans le long documentaire, les différents intervenants (pour la plupart occidentaux) tiennent des propos simples et éclairants. Pas d’envolées obscures. Le document se distingue également par une magnifique illustration par des œuvres d’art et même des dessins animés pour bien faire passer le message. David Grubin est un spécialiste des biographies avec son travail passé sur John F. Kennedy, Lyndon B. Johnson et même Abraham. Pour conclure, j’aime bien cette maxime du réseau PBS : «La démocratie exige la sagesse». Espérons que les compressions budgétaires à venir du Congrès américain ne pénaliseront pas les 170 millions d’utilisateurs qui sont branchés sur ce genre de bonne production culturelle.