vendredi, mai 20, 2011

Documentaire: les réfugiés nord-coréens en Chine

Jim Butterworth et l'univers (censuré) des Nord-Coréens
La Corée du Nord m’a toujours mystifié. J’avais un professeur à McGill, Sam Noumoff, qui demeure toujours un fidèle défenseur du régime. Le sort des réfugiés nord-coréens en Chine populaire me mystifie aussi. J’ai visité il y a longtemps une famille coréenne dans la province chinoise du Jilin.

Un soir, à CBC/Radio-Canada, j’aperçois un certain Jim Butterworth en train de parler de ce pays hermétique. Avec le nom «Denver» à l’écran.

«Je suis superoccupé. En plein montage. Sous pression», me répond Jim Butterworth de Boulder, au Colorado. Je me trouve à Denver et j’insiste pour le rencontrer «pas plus de 60 minutes. Promis!» Une journaliste coréenne de Denver, KIM Myung Oak, qui n’a jamais entendu parler de lui ni de son documentaire est très intéressée venir le rencontrer avec moi.

Quelques jours plus tard, au très chic hôtel St. Julien, rue Walnut, Jim Butterworth fait son apparition. Pas rasé, casquette de baseball, chemise rose à carreaux, il enlève ses lunettes soleil et se met à table avec le sourire.

Le film a marqué son homme

Bien que toute son histoire du tournage d’un excellent documentaire ait commencé en 2003, il la raconte comme si c’était la veille. Pas de trous de mémoire. Le triste problème l’a visiblement marqué. Réalisant qu’il parle à deux personnes qui connaissent le sujet, il va encore plus dans les détails.

«En 2003, je vais à une conférence d’un gars du New York Times, Timothy Brook, sur les Nord-Coréens se trouvant au pays de Mao. Je lui dis qu’il va certainement en faire un bon papier. Il répond par la négative. Le New York Times ne prêche-t-l pas par la devise All the news fit to print? Étonné et déçu, le natif de la Caroline du Nord décide de filmer sur cette tragédie sans trop savoir dans quelle jonque il s’embarque. (En 1998, Brook a écrit Quelling the People sur le massacre de la place Tiananmen)

Jim contacte une personne ressource en Corée du Sud qui se démarque par son mutisme total. Au téléphone, il jette sèchement : «Ne m’écrivez plus! Ne téléphonez plus jamais! Clic du combiné.» Quelque temps plus tard, le récalcitrant change d’idée et il deviendra l’excellent «fixer», le principal organisateur du documentariste expérimenté. Très bon interprète. Les deux hommes se rencontrent à Inchon (ville du célèbre débarquement du général Macarthur de 1950).

Il y a longtemps que j’ai vu son Seoul Train (2004), trop longtemps pour en demander des détails. Pas d’enregistrement maison. Je laisse notre invité (qui refuse de boire la moindre goutte de café) poursuivre sa narration animée. Kim Myung Oak boit ses paroles et moi aussi. Le gars nous parle comme à de vieux amis. «Vous allez écrire sur ça?»

Le tournage s’est fait avec une petite Sony numérique afin de ne pas alerter la police de la province du Jilin et de la ville de Shenyang. Les organisations bouddhistes et les Églises collaborent à l’«underground railway», la filière des passeurs. Tout en distribuant leurs bibles pour ces derniers.

Des femmes à risques

Les Nord-Coréens sont classés simples migrants économiques. Ce statut précaire les prive de beaucoup de protection. Une simple dénonciation de la part d’un Chinois risque de les envoyer de l’autre côté du Yalu dans un camp de concentration de Kim Jong-il -- si ce n’est la peine capitale. Les nombreuses femmes sont les plus vulnérables. Les plus jeunes deviennent les enfants de la rue comme on en voit dans les pays les plus pauvres. Jim ne sait pas combien ils sont en tout dans la terre chinoise. Les estimations varient de 200 000 à 300 000 fugitifs.

Le directeur de Naked Edge Films (au CV impressionnant, y compris un MBA) rappelle toutefois des cas heureux où, par exemple, une Nord-Coréenne est mariée avec un Chinois qui fait preuve de beaucoup de générosité avec les enfants. Il faut voir Seoul Train pour mieux comprendre les bons et les mauvais cas. Je n’insiste pas ici. (Plutôt voir : www.seoultrain.com)

Une fois sortis du paradis du «Dirigeant bien-aimé», où aboutissent ses infidèles sujets? En Asie du Sud-est ou en transit en Mongolie pour aboutir en petit nombre vers la Corée du Sud où ils se retrouvent comme de simples «étrangers» à cause d’une culture totalement différente, y compris la langue. Le choc culturel! Ils y seraient 20 000. Et pour Jim Butterworth et sa collègue Lisa Sleeth (présente à Boulder aussi, mais débordée de travail), une fois les images tournées, comment les faire sortir en douce de Chine?

Sur ce point, entre journalistes, nous sympathisons facilement. Kim Myung Oak a été reporter au défunt Rocky Mountain News jusqu’à sa fermeture définitive le 27 février 2009. Par déformation, Myung garde un bon esprit critique sur tout. Elle aimerait bien faire du travail social pour aider ses compatriotes du Nord aux Etats-Unis, mais ils sont là en nombre infime. Pas une job à plein temps. Son occupation à plein temps ce sont plutôt ses trois magnifiques enfants qui nous accompagnent sagement en voiture vers la charmante agglomération montagneuse de Boulder. Le père a été journaliste dans les meilleures publications et il se spécialise maintenant dans des questions d’énergie et d’environnement. Un crac! Nous cassons la croute tous ensemble dans son bureau situé non loin du célèbre pavillon de thé Dushanbe (Tadjikistan).

Des réticences de la télé

L’autre partie de l’histoire de Seoul Train m’étonne beaucoup. Son docu. De 55 minutes connaît un vif succès. Diffusé dans tous les meilleurs festivals. Plusieurs prix. Traduit en 20 langues. Nicholas Kristoff du New York Times et Anderson Cooper de CNN l’ont interviewé. «Le patron de la NBC, rien de moins, est venu à une projection et il m’a dit qu’il a trouvé le film poignant (powerful). J’ai donc enchaîné en lui demandant s’il allait le diffuser sur son réseau. Non, m’a-t-il répondu : sujet trop délicat!»

Pourquoi tant de réticence vis-à-vis d’un État sans réticence? JB n’élabore pas beaucoup. Le State Department veut-il ménager la chèvre et le kimchi en Chine populaire ou en Corée du Nord? Que fait le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés dans ce dossier -- «dont 60% des fonds sont américains»? Les accords de 1967 et de 1993? Bizarre!

J’avais promis à JB de le «libérer au bout de seulement 60 minutes». Nous sommes encore à table après 90 minutes. Il a certainement oublié l’heure et son montage. A-t-il la gorge sèche? «Vous avez déjà une photo de moi prise à l’écran de télé? C’est la bonne.» Et il sort du St. Julien d’un pas alerte.

vendredi, mai 13, 2011

Wah Wing CHAN: artiste montréalais de Macao

Wah Wing CHAN, Tom Wilder, Elizabeth Barbosa

Une petite salle insonorisée chez des artisans luthiers de la rue Rachel à Montréal. Au premier contact, Wah Wing Chan Chen Yong 陈华永)fait un peu timide. Réservé comme un Asiatique. Modeste même : pas de cartes d’affaires pour mousser sa carrière. Ses cheveux courts en brosse le rajeunissent. Moustache et poils au menton. Cinquantenaire, monsieur Chan paraît avoir 15 ans de moins. À côté de lui, arborant un grand sourire, une jeune femme dont les traits font nettement portugais. Montréalaise de naissance. Le verbe plus facile. Mais les deux personnes parlent le même langage : l’amour des arts.

Wah Wing Chan naît sur la rue San Ceng Lou (三层楼下街), dans le fascinant district historique de Ha Wan (Xiahuan 下环), à Macao. Maintenant, sans doute la rua do Barão, dans la paroisse de São Lourenço, non loin de la magnifique Pousada de São Tiago et du célèbre temble d’A-Ma. En 1972, ses parents décident de venir transplanter la famille de six à Montréal alors que le garçon n’est âgé que de 12 ans -- trop jeune pour emmagasiner beaucoup de souvenirs précis sur le placide comptoir portugais d’alors. En arrivant ici à l’école, la barrière de la langue le porte à dessiner plutôt qu’à parler avec les autres élèves. Personne  dans la famille ne le pousse vers le dessin, mais il garde en lui le souvenir de la calligraphie telle qu’apprise à Macao.

Pour cultiver ses talents, Wah Wing Chan s’initiera à la gravure au Collège John Abbot, puis il s’inscrira à l’Université Concordia pour non pas un seul, mais bien deux diplômes. En 1992, le premier baccalauréat en arts visuels (studio art) lui donne sa formation de base avec, entre autres, photographie et sculpture. Par la suite, en 1996, le B. A. en gravure (print making) le conduit à sa spécialisation actuelle.

Elle parle portugais à son fils

LusoPresse a interviewé Wah Wing Chan en plein quartier portugais. Sur Macao, il faut qu’il interroge ses parents pour en parler un tant soit peu. Il n’est retourné en Chine qu’en 1998. Mais pour sa dernière exposition, il a une arme secrète… portugaise nommée Elizabeth Dos Santos Barbosa. La directrice de la galerie Wilder & Davis est la fille d’immigrants portugais arrivés ici avec la toute première vague. Le père du village de Nogueira en 1957. La mère de Oleiros cinq and plus tard. Deux endroits situés près de Ponte de Barca.

Elizabeth Barbosa a aussi étudié à Concordia et reçu son B. A. en histoire de l’art sans toutefois y rencontrer celui qui se fait appeler Wing (Éternel) par les amis. Au sujet de la communauté portugaise, Elizabeth avoue ne pas être tellement branchée. Plus jeune, elle est toutefois allée régulièrement dans le Minho de ses parents. Voilà pourquoi elle parle très bien portugais. C’est la langue qu’elle parle avec son fils de 5 ans. Le papa est originaire de Lyon.

L’exposition d’une vingtaine de gravures format moyen de Wing a lieu dans les locaux du luthier Wilder & Davis (voisin de l’église Saint-Jean Baptiste). Vieil édifice chaleureux avec de hauts plafonds. Les nombreux violons exposés dans des cabinets vitrés me font penser au film Le Violon rouge de François Girard. En 1999, l’ex-Torontois Tom Wilder a laissé savoir à Elizabeth qu’elle pouvait y exposer des tableaux et c’est ainsi qu’elle est devenue directrice de la galerie du même nom. Tout à fait bénévole.  «J’ai toujours été attirée par les arts. Mes meilleurs amis sont un crayon et du papier», lance-t-elle en souriant.

Arts visuels et musique

L’éternel Wing m’explique qu’il pratique aussi son métier à l’Atelier Circulaire de la rue Gaspé à Montréal, dans le Mile-End (où il habite). Il a déjà des œuvres dans divers pays : Nouvelle-Zélande, Corée du Sud, Chine, Norvège, Pérou et États-Unis. Les créateurs qui l’influencent et qu’il aime? Les Américains Jackson Pollock et Sam Francis ainsi que la Suissesse Francine Simonin, établie au Québec depuis 1968.

«Je veux aller de l’avant et rejoindre un plus grand public», poursuit Wing. Il a un correspondant à Lisbonne pour un projet à l’étude. Comment caractériser ses tableaux noirs faits d’acrylique liquide sur du fin papier japonais washi? «Je suis attiré par l’abstrait. Je peins avec des pinceaux chinois.» Il y «expérimente une technique de son invention» et le produit fini devient «une forme… parfois proche de la calligraphie».

Intitulée «Noir sur noir», l’exposition du 257 Rachel Ouest est ouverte au public jusqu’au 8 juillet. Pour une image papier de bonne qualité d’un tableau de Wah Wing Chan, voyez la page 57 du dernier numéro de la revue La Scena Musicale. Cette excellente revue  a été cofondée (avec Philip Anson) par son frère Wah Keung Chan qui en est resté rédacteur en chef. Autre belle rencontre des arts visuels et de la musique. Sur l’exposition : www.galeriewilderdavis.wordpress.com

mercredi, mai 11, 2011

À Montréal: Zhao Jiangping, Consule de Chine

Louise Harel avec la Consule ZHAO Jiangping à l'Hôtel de ville.




Au cours d’une réception offerte le 9 mai à l’Hôtel de Ville en honneur de ceux qui ont travaillé au succès de l’Espace de Montréal à l’Expo de Shanghai, ce fut l’occasion de revoir plusieurs amis, dont les fonctionnaires de la ville qui s’occupent des relations internationales. Pour ne citer que quelques noms, Jacques Besner, Louis Dussault, Guy Nolin, Jacques Renaud et Martin Séguin.

Le clou de la réception : le maire Gérald Tremblay nous a présenté la toute première Consule de la République populaire de Chine à Montréal. Madame ZHAO Jiangping (赵江平parle très bien français», tel que souligné par le maire. La diplomate a prononcé quelques mots dans la langue de Molière au début de sa brève allocution. Parmi plusieurs dignitaires, elle était debout à côté de madame Louise Harel. Difficile d’en dire plus long après notre bref échange de cartes professionnelles.

Il y a plus d’un an que nous attendions cette nouvelle. Un diplomate de l’ambassade de Chine à Ottawa m’avait confié que le consulat devait ouvrir ses portes en mai 2010. En fait, l’attente a été beaucoup plus longue. Le maire Tremblay a parlé du 26e anniversaire du jumelage Montréal-Shanghai. En fait, tout a commencé le 14 mai 1985 lors de la rencontre du maire Jean Drapeau avec son homologue Wang Daohan. (Je reviendrai plus tard sur cette rencontre historique que j’ai couverte pour La Presse à l’époque.)

Le lendemain, madame Zhao s’est rendue à Québec pour une rencontre avec le Premier ministre Jean Charest. Photo à l’appui. Le ministère des Relations internationales en a profité pour publier quelques chiffres. «La Chine est la 5e destination en importance pour les exportations du Québec. Les exportations y sont passées de 328 millions $ en 2000 à 1127 millions $ en 2009, soit un taux de croissance annuel moyen de 14,7 %.

Admettons quand même que l’ouverture de ce consulat arrive vraiment très tard. Dans le passé, nous avons accumulé un capital de sympathie extraordinaire en Chine avec plusieurs faits concrets. Les sacrifices du docteur Norman Bethune qui est bel et bien parti de Montréal pour aller joindre les forces anti-japonaises en territoire chinois. Le rôle déterminant de Québécois comme Pierre Trudeau et Jean Chrétien dans les relations canado-chinoises. Le dynamisme de la famille Desmarais (Power Corp.) dans le secteur économique.

Sans oublier le maire «quasiment chinois» Pierre Bourque avec son Jardin de Chine et ses innombrables voyages. Il me disait en entrevue l’an passé: «Le Canada a été un des derniers pays à être désigné destination approuvée en matière de tourisme.» Pourquoi ce retard?

Au point de vue commercial, le Québec et le Canada achètent beaucoup plus de la Chine que ce pays achète de nous.

La prochaine étape? Le maire Tremblay déclare de façon très directe souhaiter voir l’établissement d’une liaison aérienne directe entre Montréal et Pékin ou Shanghai. Il en a discuté sur place à son dernier périple en Chine. Le 12 mai 2010, mon ami Martin Jolicoeur a parlé de «avant longtemps» dans un article dans le journal Les Affaires.

La patience est une vertu!

Mais soyons positifs! Chaleureuse bienvenue à Montréal, madame Zhao!

mercredi, mai 04, 2011

Le pavillon de Taiwan à l'Expo '67 et ma vocation

Ma passion pour la Chine dès 1967, année de l'Expo. à Montréal

En fouillant dans mes (nombreux) vieux papiers, j’ai retrouvé cette carte postale du pavillon de la République de Chine à l’Exposition universelle de 1967 à Montréal. La République de Chine (RdC) c’est le gouvernement de Taiwan qui, à l’époque, était le seul représentant de la grande Chine -- même s’il ne contrôlait que l’ile nationaliste.

Pour moi, cette image (plus haut) représente avant tout l’année où j’ai pris la décision ferme de me lancer dans l’étude de la Chine. Un peu comme une vocation. Sorte de conversion culturelle.

Mais ce n’est pas le fait d’avoir travaillé comme guide à «Terre des Hommes» qui m’a fait me passionner pour ce pays. Ce ne sont pas les visites répétées et assidues que j’effectuais avec des VIP dans les meilleurs pavillons nationaux de l’Expo qui ont attisé ma curiosité orientale. En 1967, il y avait déjà quelques années que j’avais découvert la langue espagnole et le Mexique. L’Allemagne et sa langue. En plus de tous les pays de la Méditerranée du côté du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord. Mes voyages d’étudiant dans ces contrées m’ont tout simplement amené à rechercher encore plus d’exotisme. Et le pays le plus exotique des années ’60 c’était sans le moindre doute le pays de Mao.

Chine : autre planète

Pourquoi? En peine guerre froide, la «Chine rouge» était un espace complètement à part. C’était au plus fort de la guerre du Vietnam. Pays ennemi! La Chine continentale (autre appellation pour ne pas dire communiste) souffrait du blocus américain et ne faisait pas encore partie des Nations unies. Et comme pour ajouter l’hirsute à la culture, cette population en bleu de chauffe égalitaire voguait en pleine Révolution culturelle. Les Gardes rouges étaient-ils tombés sur la tête avec leur petit livre rouge? Bref, la Chine c’était la planète Mars à n’y rien comprendre.

Les années ’60 ce fut bien sûr mai ’68 à Paris et Berkeley en ébullition de gauche en Californie. Au département de Science politique de l’Université Laval où j’étudiais avec Léon Dion (père du très libéral Stéphane Dion), Gérard Bergeron, André Patry et Vincent Lemieux, les idées socialistes nous rejoignaient. La guerre d’Algérie et son indépendance nous ont d’abord fascinés. Les écrits des éditions François Maspéro (1959-1982) comme ceux de Frantz Fanon, Ho Chi Minh, Charles Bettelheim et Régis Debray nous faisaient réfléchir. Les livres du «commerçant permanent de la révolution» qu’était Maspéro avaient le mérite de nous présenter un angle très différent sur la politique internationale.

J’insiste ici sur un point. Je n’ai jamais été «maoïste» ni membre de mouvements de gauche de salon. Certain que j’ai lu les opuscules du Grand timonier. J’ai été le premier à importer du Quartier chinois de Manhattan les premières copies du petit livre rouge pour mes confrères de Laval, mais c’était plutôt un objet de curiosité. Exotique!

Ce que j’admirais beaucoup chez les Chinois? D’après les témoignages de ceux qui en arrivaient, la volonté populaire de développer le pays en innovant avec des recettes authentiquement chinoises. Sans copier servilement le modèle soviétique. Je méditais sur cette anecdote racontant  que des travailleurs courageux disaient «vouloir construire un grand pont avec du bambou. C’est tout ce qu’on possède et c’est ce qu’on sait faire même si ça ne s’est jamais fait.»

China Airlines au féminin

Pour revenir à notre pavillon de la RdC, je me souviens être allé parler à des hôtes et des hôtesses pour leur manifester mon engouement pour tout ce qui était chinois. Il y avait une immense murale du lac du Soleil et de la lune, grande attraction touristique formosane. Les élégantes demoiselles étaient des hôtesses de l’air de la China Airlines. Beaucoup plus tard, j’ai appris que Cynthia Lam, directrice du Service à la Famille chinoise faisait d’abord partie de ce contingent d’élite. La mère du chef Felix Turianskyj du chic hôtel Opus (Sherbrooke et St-Laurent) a aussi décidé de rester à Montréal après l’Expo ’67. Sauf erreur de ma part, Mme Hazel Mah du chic restaurant Piment Rouge (hôtel Windsor) travaillait aussi au pavillon de Taiwan.

Par la suite, après avoir complété mes années heureuses de Science Po à Québec, je me suis inscrit à McGill. Même discipline, mais pour une maîtrise avec concentration sur la Chine. L’Université du centre-ville se lançait en pionnier dans les études de cette vieille civilisation. L’âme dirigeante était le professeur Paul T. K. Lin avec Sam Noumoff (marxiste notoire) comme bras droit. J’ai donc commencé à y étudier la langue chinoise. La toute première classe de mandarin au Québec avec des profs taiwanais comme la dynamique pédagogue (expérimentée) Peggy Wang, la jeune Jenny Chang et un Sino-Américain (que nous avons contesté à cause de sa méthode basée sur la romanisation plutôt que les caractères).

Voilà ceux qui nous ont inculqué le ni hao ma? dans la grande enveloppe de la culture chinoise. J’en garde un excellent souvenir. Puis, en 1970, le Premier ministre Pierre Trudeau a fait un pied de nez au State Department en reconnaissant la Chine populaire. La Chine devenait moins exotique. Plus officielle et diplomatique. Une page d’histoire était tournée. Peu de temps après avoir reçu le feu vert pour mon mémoire de maîtrise, je suis parti pour deux ans à Hong Kong. Et ça, c’est une autre histoire!

dimanche, mai 01, 2011

Singapour s'enrichit en 2010 et vote vite en 2011

L'architecte Moshe Safdie (Habitat '67) a conçu ce supercasino

Ma première incursion à Singapour remonte à 1975 lorsque j’y ai fait escale pour visiter de la parenté. C’était au moment de la victoire communiste au Vietnam et aussi peu après la chute du Cambodge aux mains des Khmers rouges. J’ai rédigé quelques articles pour le journal La Presse au sujet de la fuite des étrangers tous retenus à l’ambassade de France à Phnom Penh.

Je suis retourné à Singapour une quinzaine d’années plus tard alors que ma fille y travaillait pour le Cirque du Soleil. Puis, en l’an 2000 encore dans un voyage de famille marquant le nouveau millénaire. Bref, tout ce qui se passe à Singapour m’intéresse encore au plus haut point.

Les dernières nouvelles nous provenant de la Cité du Lion? Le moins qu’on puisse dire c’est que l’argent y a coulé à flots en 2010 malgré une certaine pauvreté chez les moins bien nantis. On peut aussi s’attendre à un tournant historique avec la retraite prochaine du père spirituel de la petite république, Lee Kuan Yew.

Taux de croissance record

Après une contraction de la croissance du produit intérieur brut à 1,3% en 2009, la prospérité était à nouveau au rendez-vous en 2010 avec le taux incroyable de 14,7 en 2010, soit le plus fort en Asie et le deuxième au monde (après le Qatar). Un bon coup de pouce dans le vigoureux secteur manufacturier. De fortes exportations aussi.

L’an 2010 a aussi marqué le décès de l’épouse de Lee Kuan Yew, une avocate de 89 ans qui était donc la mère de l’actuel Premier ministre Lee Hsien Loong. Cette femme brillante, Kwa Geok Choo de son vrai nom, était la mama d’une famille dont plusieurs membres occupent des postes clés à Singapour : le système Lee Kuan Yew. Au sein de la première famille de la Cité-État, des observateurs ont remarqué que le patriarche Lee Kuan Yew est paru touché et surtout très affaibli au moment des cérémonies funéraires. Le Père de Singapour pourra-t-il encore longtemps influencer le cours des choses?

Prospérité? La nouvelle n’est pas sensationnelle dans cette ville artificielle qui a voulu faire cavalier (économique) seul par rapport à la Malaisie en 1965,. Peut-être pas de pétrole comme au Qatar, mais maintenant… des casinos. En effet, pendant l’Année du Tigre, deux établissements de jeu ont ouvert leurs portes coup sur coup à la clientèle régionale. Singapour a retardé l’arrivée des tapis verts pendant quatre décennies mais les profits mirobolants du petit Macao ont fait en sorte que les Lee n’en pouvaient plus de tout rater.

Le Marina Bay Sands est la véritable mecque du jeu avec un édifice impressionnant signé du célèbre architecte Moshe Safdie. Trois tours penchées de 57 étages avec une espèce de bateau sur les trois toits. Si Moshe Safdie a été un révolutionnaire avec Habitat ’67 à Montréal, ce casino marque certainement le génie créateur de ce bâtisseur israélien. Les capitaux américains de Las Vegas financent cette entreprise.

L’autre casino relève d’investissements de la Malaisie, le Resorts World Sentosa. Peu importe les architectures, ils ont déjà versé 324 millions $ US en taxes entre avril et novembre 2010. Leurs recettes sont énormes. Les prévisions sont dépassées. En 2011, il se pourrait que Singapour obtienne le 2e chiffre d’affaires en Asie après Macao. Devant la Corée du Sud et l’Australie. Des milliers d’emplois ont été créés. De plus, encore plus significatif, 2010 a vu arriver 20 % de plus de touristes, soit 11,6 millions.

Des trophées enviables

Le chômage a donc figé au taux de 2,1 %. Singapour a en même temps continué à récolter plusieurs trophées internationaux enviables. Le meilleur endroit pour y gérer une entreprise. Le moins entaché de corruption au premier rang avec le Danemark et la Nouvelle-Zélande. L’économie la plus compétitive au même rang que la Suisse et la Suède -- devant les Etats-Unis. Chapeau encore!

Mais toujours selon ma théorie du yin et du yang, pour montrer les deux côtés de la médaille, il faut parler aussi du côté moins rose de ce petit pays de 5 millions de population. Par exemple, un chercheur britannique a été arrêté pour avoir écrit un livre s’attaquant à un sujet tabou : la peine de mort. Pas très futé le monsieur, ou peut-être très brave, Alan Shadrake est parti de son pied à terre en Malaisie pour aller au lancement de son livre dans le pays voisin et la police Singapourienne l’a arrêté. Six semaines de prison (mais pas de bastonnade).

Dans Once a Jolly Hangman, l’auteur de 76 ans dénonce les juges comme étant politisés plutôt qu’impartiaux. Ceux-ci ont répliqué de façon véhémente en criant à l’injure. Dans une de ses entrevues, il parle d’un bourreau qui aurait exécuté mille personnes de 1959 à 2006. Des critiques parlent de Singapour comme d’un «Disneyland avec la peine de mort.» (Autre yin et yang!) Malheureusement, le gouvernement ne publie pas de statistiques sur le nombre d’exécutions, et maintient que ce châtiment explique la faible criminalité dans la Cité du Lion. Probablement pas tout à fait faux.

Les riches et les pauvres

Dans ma recherche, je suis tombé sur une petite phrase de la BBC : « Singapore's government is trying to narrow an income gap the United Nations says is the second-biggest among Asia's developed nations.» Un écart si important entre les riches et les pauvres? Je ne suis pas totalement surpris, mais il faut avouer que problème n’est pas si souvent évoqué. À creuser!

Le Premier ministre Lee Hsien Loong a d’ailleurs promis de s’attaquer au problème de ces inégalités. Le ministre des Finances a annoncé des mesures concrètes dans son budget de 2011 afin d’aider les moins favorisés. L’indice du coût de la vie (transports, habitation et denrées alimentaires) augmente tandis que les salaires figent. Beaucoup de cheap labor est embauché des pays voisins comme l’Inde et la Chine, ce qui a pour effet de maintenir les salaires bas. Relativement à la construction du casino de Las Vegas, la BBC parlait d’une petite armée de 245 000 de travailleurs étrangers assignés à cet immense chantier. La grogne existe contre ces «importés».

Autre petite phrase à vérifier, dans un pays où les valeurs confucéennes du père Lee Kuan Yew et du fils Lee Hsien Loong vont à l’encontre du filet de protection sociale, il y aurait 400 000 personnes qui touchent depuis 2007 le WIS, c’est-à-dire le Workfare Income Supplement (supplément de revenu). Quid?

L’inflation est aussi à blâmer pour cette situation précaire. Un mal généralisé en Asie où 64 millions de personnes en sont menaces, selon la Banque Asiatique de développement . Au tournant de l’année, l’inflation a oscillé entre 4 et 5% à Singapour. Le gouvernment espère stabiliser ce chiffre à 3-4% en 2011. Le dollar de Singapour a été dévalué de 9,3% en 2010 à cause de ce problème.

Faudrait consulter à ce sujet et d’autres problems des toiles d’opinions privées qui ne reflètent pas la version officielle: The Online Citizen ainsi que Tamasek Review.

Enfin, à surveiller, des elections générales auront lieu le 7 mai 2011. Selon des articles parus dans Asia Times, les pages web (comme les deux ci-dessus) ressentent fortement l’effet de la cybercensure gouvernementale. Le Parti de l’action du people (PAP) contrôle déjà 82 des 84 sièges à l’assemblée legislative et n’a pourtant pas grand chose à craindre. Sur la scène économique, les pères de la petite république croient dans la compétition, mais pas en politique.