jeudi, septembre 15, 2011

Le dalaï-lama décline l'humour comme un mantra

Le dalaï-lama à sa conférence de presse
Le passage du chef spirituel des Tibétains chez nous a généré de bonnes réactions. Personnellement, j'ai eu l'honneur de lui serrer la main. Moment mémorable pour moi! C'était la troisième fois que je le voyais en personne à Montréal.

Cette fois-ci, comme billet, je veux m'attacher surtout à son grand sens de l'humour. Attribut étonnant pour le défenseur d'une population longtemps malmenée. (On reviendra plus tard sur ses enseignements philosophiques.)

Je me suis porté bénévole à la journée du 7 septembre au Palais des Congrès (PdC). Assigné à la sécurité (sûrement pas pour mes gros bras!), je me suis pointé à l'hôtel Hyatt dès 6h45. Pierre Labranche, mon avenant coéquipier de la conférence «Paix par la religion», m'a tout de suite proposé de monter au 12e étage où séjournaient tous les invités de marque: «Veux-tu le voir?» m'a dit Pierre. Quelques minutes d'élévation, puis l'homme en tunique rouge vin a affectueusement serré la main à quelques jeunes triés sur le volet et au reste du personnel admirateur. Je n'oublierai jamais son regard bienveillant. Pierre Labranche photographiait le tout avec son Leica (déguisé en Fuji). Bien heureux de cet honneur, ma journée était faite. Mais ça ne faisait que commencer.

Un simple humain

Après une rapide escapade à Longueuil (sans être resté prisonnier dans l'enfer routier), le dalaï-lama fait son entrée au PdC et la meute de reporters l'entoure illico à sa sortie de l'ascenseur. Petit imprévu au protocole, l'homme de 76 ans se dirige d'un pas décidé vers les WC. Les paparazzi restent pantois. À l'extérieur de la salle d'eau. Fou rire (étouffé). Le dalaï-lama n'a-t-il pas déjà déclaré qu'il est un «simple moine»?

Malgré les gardes du corps, on aperçoit une grande femme en tunique non canonique (avec turban jaune clair assorti) approcher le petit groupe de Tibétains. Francine Grimaldi fonce poliment vers le premier moine du groupe pour lui serrer la main. Elle réussit la manoeuvre en espérant en faire autant avec le 14e dalaï-lama qui suit immédiatement derrière. Mauvais calcul, ce dernier passe tout droit, comme une balle, devant la femme bronzée. Rire étouffé des spectateurs.

À la conférence de presse, devant une salle pleine, le DL marque ses interventions de généreux éclats de rire, entre autres, lorsqu'il suggère d'«apprendre la patience de ses ennemis». Rien de drôle, mais le message passe mieux ainsi.

La casquette de tennis

Au début des savants exposés, devant un parterre de quelque 2 000 personnes, Tenzin Gyatso (de son vrai nom) quitte un moment son lutrin pour aller fouiller dans son petit sac à provisions. Il se coiffe cérémonieusement de sa visière aux couleurs assorties. «Comme ça, je peux mieux vous voir. Si j'en vois dormir, je me dépêche pour finir de parler», lance l'homme charismatique d'un air enjoué en faisant une courbette du genre «excusez-la!». Encore là, il ponctue ses enseignements les plus graves sur la compassion, le pardon et la paix de rires prolongés. À Calgary, il n'a pas hésité à se faire photographier avec un large chapeau de cow-boy. À Montréal, aux applaudissements de la foule, il a poliment affiché sur sa poitrine le chandail blanc du club Canadien qu'il a reçu au Centre Bell en 2009.

Je traite ici le personnage de façon légère, mais l'idée d'une communication optimum prévaut. J'en profite pour fustiger le conférencier qui nous a lu son texte de façon mortelle pendant vingt longues minutes. À l'opposé, le professeur Tariq Ramadan a su nous parler, pour ainsi dire, dans le blanc des yeux. «Vous êtes un communicateur extraordinaire», lui ai-je lancé pendant qu'il dédicaçait ses livres. «Ce n'est pas ce qui est plus important», a-t-il rétorqué. Exact! Mais rien ne passe si le communicateur fait défaut.

Le couac des deux gardes

Par ailleurs, mon camarade Pierre Labranche m'a raconté avec stupéfaction un incident plus ou moins rigolo survenu la veille. Le jour de l'arrivée du «citoyen d'honneur canadien» à l'hôtel du Complexe Desjardins, Pierre fait consciencieusement le pion à côté de l'ascenseur de service. Tout va bien au rez-de-chaussée, la circulation est fluide. Tout à coup l'ex-policier de 30 ans d'expérience (à l'oeil de lynx) jette un coup d'oeil de côté et aperçoit deux hommes armés s'approcher de lui. Donc, parfaitement  capables d'atteindre l'espace protégé du chef spirituel tibétain. «J'ai regardé les pantalons et ça ne me disait rien. Des uniformes? Pas certain. Ils avaient la main posée sur le révolver de la ceinture.» Finalement, Pierre Labranche a aperçu leur badge (discret) de l'agence Garda. Quand il a rapporté l'incident mi-cocasse, mi-menace à quelqu'un de l'hôtel, la réaction fut rapide: «On n'avait pas pensé à ça!...»

Malgré la gravité de ses propos quand il parle de la tragédie de ses compatriotes des hauts plateaux du Tibet, le dalaï-lama est probablement la personnalité asiatique qui sait le mieux manier le sourire. Un jour, à la question d’un journaliste qui lui demandait: «Quelle est la différence entre vous et Gandhi, le DL  répondit dans le style qui le caractérise : «les lunettes». J'ai oublié de regarder ce qu'il portait aux pieds. Le magnat de la presse Rupert Murdoch a déjà déclaré: « Certains cyniques disent qu’il est un vieux moine très politisé qui se promène en chaussures Gucci ».


Lunettes, casquette de tennis, chapeau de cow-boy, souliers Gucci? Le midi du 7 septembre, j'en ai appris une bonne en mangeant mon sandwich au poulet avec des gens des médias. Y paraît qu'après le départ du DL de sa chambre du Hyatt, les plus avertis de ses fidèles allaient s'y précipiter pour mettre religieusement la main sur les «reliques». Les objets que le réputé visiteur a touchés. Sa savonnette, sa serviette et sa fourchette?

Personnellement, bien que pas exactement un scapulaire, je m'attache à la photo couleur que j'ai prise de lui en 1992 alors qu'il se trouvait dans le bureau du PM Robert Bourassa à Hydro-Québec.

lundi, septembre 05, 2011

Chinoise ambitieuse du Mozambique et du Portugal

Claudia Chin possède en elle la culture de quatre continents

«Les gens sont devenus trop dépendants des nouvelles technologies. Ils nous demandent souvent ici si on a des vidéos au sujet des artistes. Les médias sociaux ouvrent des portes, mais en ferment aussi. En art visuel, par exemple, y'a une différence tactile entre une photo et une peinture dont le matériau est en trois dimensions. Faut que les gens viennent dans cette galerie», explique avec conviction Claudia Chin en entrevue pour mon journal.

Il y a seulement trois mois que Claudia Chin a ouvert la Galerie d'art contemporain 3C. Le second vernissage a eu lieu le 9 août. Parmi les premiers artistes qu'elle a mis en valeur: le photographe lusophone Karl P. Duarte et l'artiste en arts visuels  Stewart Fletcher dans une exposition portant sur la représentation du corps féminin, «Formes sensuelles», soirée auquelle assistait LusoPresse.

Beira, Lisbonne et Montréal

Chinoise jusqu'au bout des doigts, Claudia Chin calligraphie aisément son nom avec un doigté d'artiste. Nom en pinyin: Zhen Jiali (甄架丽). Mais pourquoi un journal portugais s'intéresse à cette jeune fondatrice et propriétaire de galerie? Non seulement ses parents (présents au vernissage) parlent portugais, mais Claudia Chin l'écrit aussi. Pour la simple raison qu'ils sont nés à Beira, au Mozambique. Ils ont fait partie de la minorité des 2 000-3 000 Chinois dans ce pays. (Ce sont les grands-parents qui ont navigué vers l'Afrique au début du 20e siècle.) Heureux mélange interculturel pour ces citoyens du monde devenus montréalais en 1987 -- après dix ans passés à Lisbonne.

Claudia Chin est curieuse et ambitieuse. Laisser l'artiste créer, tandis que la galerie en fait la promotion et vend. «Je veux donner une voix et un espace aux artistes en qui je crois. Je veux organiser des événements de collectes de fonds pour des organismes comme la Fondation du coeur. Le cancer, les hôpitaux des enfants, bref en santé et en éducation. Aussi, créer des événements interdisciplinaires, faire dialoguer des gens: films, musique avec art, jazz.»

L'influence de Lisbonne

Comment a germé l'idée de cette galerie? De la ville portuaire de Beira, la famille (avec son frère maintenant en Colombie-Britannique) est passée dans la capitale portugaise en 1977 lorsqu'elle avait trois ans. «J'ai grandi dans le concelho de Loures à Lisbonne, dans un vieux pays. J'ai toujours été exposée aux sculptures, aux musées, à l'art dans les lieux publics. Les statues en pierre et en métal. Très différent de Montréal.» Mais le déclic pour une galerie s'est fait à partir de ses discussions avec Stewart Fletcher et un autre artiste, G. Scott MacLeod.

Refusant de se laisser écraser par la routine, Claudia Chin a quitté un emploi à temps plein en 2008 et est devenue conseillère pour des artistes. «J'ai remarqué que chaque cinq ans, j'avais besoin d'un changement d'environnement.» Ce sont finalement ses amis qui l'ont dirigée vers cette nouvelle aventure. En particulier, Stewart Fletcher qui occupe un atelier dans le même bâtiment du 9150 de la rue Meilleur (près Chabanel). «Il m'a proposé de venir ici.» Voici comment elle a eu le courage d'occuper le local bien illuminé aux murs pâles. Un loyer raisonnable dans le «quartier de la guénille» qui s'ouvre sur le monde de l'art, selon elle.

Le soir du vernissage, les représentants de LusoPresse ont trouvé chez les parents de Claudia d'aimables gens vifs d'esprit maîtrisant très bien la langue de Camões.  Claudia avoue ne pas être branchée sur la communauté portugaise de Montréal. Pas sur la communauté chinoise non plus (bien qu'elle parle cantonais avec sa parents). Pour ne pas réinventer la roue, voilà deux réseaux à intégrer, lui a t-on conseillé. Le baccalauréat en vente et en marketing de l'Université Concordia quelle possède sera un atout très précieux pour rentabiliser ses opérations de dialogue et aider les artistes à réussir.